Le 13 août était célébrée la journée internationale des gauchers. Au Burundi, même si les gauchers en ville ne sont plus physiquement contrariés et brimés, le quotidien des gauchers en milieu rural reste parsemé d’embûches.
Butihinda, province Muyinga. Dans cette société rurale, gare aux gauchers qui s’assument. Un handicap, un mal éduqué, une malédiction… Voilà ce à quoi les gauchers sont souvent assimilés. Jacques est un enfant gaucher de 12 ans, habitant la zone Masaka. Obligé de se servir de sa main gauche dans un monde conditionné pour les droitiers, cela est rapidement devenu une plaie. Dans cette localité, saluer quelqu’un avec cette main, relève de l’injure. « C’est considéré comme un acte indigne et malpropre, et cela signifie que tu souhaites le malheur, voire même une malédiction. Lorsqu’on y est donc contraint, on s’excuse vivement avant de tendre vite l’autre main », explique-t-il.
Autre cas. Ils ne viendraient jamais à l’idée de servir à boire ou de tendre une boisson à un hôte avec la main gauche. « Je ne peux pas boire de l’eau chez quelqu’un si on me sert avec cette main-là, car, on m’a toujours appris que c’était signe d’irrespect et de malédiction », affirme Jean, un droitier âgé de la cinquantaine, et de renchérir qu’il est impossible de donner quoi que ce soit avec la main gauche, sous peine d’être accusé de n’avoir aucune considération pour son interlocuteur, voire de carrément l’insulter.
Une main de mauvaise réputation
Il n’y a pas longtemps. Humiliations, punitions et exclusion étaient le lot des gauchers. En classe, Jacques raconte qu’il était le seul qui écrivait de la main gauche. Tout le monde s’inquiétait. Il se voyait comme un fantôme à redresser. Coup de règle sur le bout des doigts avec obligation d’écrire avec la main droite. Il y a un temps, les instituteurs n’étaient pas du tout des plus tendres avec les gauchers. « La coutume voulait même qu’on frappe l’enfant gaucher, qu’on le marginalise voire qu’on lui attache la main gauche dans le dos pour le contraindre à utiliser l’autre main », explique un ancien instituteur de Butihinda.
Aujourd’hui encore, la main gauche est signe de malheur, de faiblesse et d’impureté. Et d’ailleurs, pour les gens de Butihinda, c’est celle qu’on utilise pour s’essuyer le derrière lorsqu’on va aux toilettes. Pas étonnant donc qu’elle soit honnie.
À quand l’évolution des mentalités ?
Contraints et forcés, les enfants gauchers burundais deviennent droitiers. Et si certains sont à l’aise avec les deux mains, selon le corps scientifique, dans le cerveau, on est forcément latéralisé à droite ou à gauche. Selon le neurologue Dr Hategekimana, à la naissance, chacun possède un hémisphère du cerveau dominant. Le droit pour les gauchers et le gauche pour les droitiers. Le fait d’utiliser en priorité ce côté dominant, le renforce, en le rendant costaud et plus efficace. Ce qui explique que ce changement contraint, n’est pas sans conséquence. « Contrarier le cerceau peut amener des troubles du comportement, des troubles de l’écriture, de la maladresse, des incontinences urinaires prolongées, de la dyslexie et le bégaiement », renseigne le Dr Hategekimana.
Les milieux ruraux devraient emboîter le pas des milieux urbains, où le gaucher est observé avec curiosité, mais pas stigmatisé ou exclu. Mais cela ne sera pas possible sans une sensibilisation de tous ces gens aux idées archaïques. D’ailleurs, rappelons-leur aussi que plusieurs grands hommes sont gauchers. Demandez à Barack Obama, Bill Gates, Jimi Hendrix, Léonard de Vinci, etc.