L’annonce en juillet de la reprise de la coopération bilatérale entre le Burundi et la France a créé une surprise chez certains. La coopération dans le domaine militaire et l’éducation vient dans un contexte politique où le Burundi est en mal avec ses partenaires financiers traditionnels depuis la crise de mandat du président Pierre Nkurunziza. Pour notre contributeur Honoré Mahoro, la décision ne devrait pas créer des remous. Explications.
La France est un pays ami du Burundi. Elle a souvent entretenu de bonnes relations avec le Burundi. Ces relations ont été renforcées après le discours de la Baule en 1990 où François Mitterrand, président français de l’époque, interpellait les présidents africains à la démocratisation de leurs pays en passant par le multipartisme. Sans s’opposer ouvertement aux différents régimes militaires qui se sont succédé, la France a soutenu des mouvements politiques qui aspiraient au changement dont le parti Sahwanya – Frodebu et plus tard le CNDD-FDD. En 2016, la résolution 2303 de l’ONU de 2016, initiée par la France a été mal accueillie par le Burundi. En dépit des manifestations organisées à Bujumbura, la résolution n’était qu’une petite parenthèse dans les relations des deux pays.
Le rapprochement de la France et le Rwanda. Les deux pays ont décidé de mettre de côté leurs différends nés depuis le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. Après le choix de Louise Mushikiwabo pour diriger l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), il en va sans dire que le Burundi ne devrait pas se voir délaissé par la France dans un contexte de tension entre les deux pays frères devenus aujourd’hui « ennemis ». Une erreur que la France ne voudrait pas commettre. Il faudrait aussi voir à travers les deux rapprochements de la France, du moins pour les plus optimistes, une brèche d’un autre rapprochement entre le Burundi et le Rwanda, dont la France pourrait être un grand artisan.
Le Burundi, le seul pays francophone de la Communauté est-africaine (EAC). De l’Afrique du Sud jusqu’en Égypte, le Burundi et le Djibouti sont les deux pays francophones de l’Afrique de l’Est. Deux pays d’ailleurs qui pèsent moins sur l’échiquier régional, mais pour lesquels la France doit aussi porter un grand intérêt. Au regard de l’ubiquité de l’anglais, l’Hexagone a droit de lutter contre vents et marées pour garder le Burundi dans « son giron ». Une chance pour ne pas voir le français englouti par la volonté d’intégration du Burundi dans l’EAC, sans peur de laisser derrière le français en faveur de l’anglais.
Rester dans la course. Le Burundi, comme une fille qui découvre pour la première fois sa beauté à travers un miroir, a de quoi se vanter en terme de ressources du sous-sol. Les terres rares placent le pays parmi les 3 premiers pays producteurs au monde et premier sur le continent africain, 1ère réserve mondiale du nickel, probablement du pétrole dans le lac Tanganyika, etc. Le Burundi semble ne pas avoir fini de se découvrir. Une raison d’aiguiser les appétits des puissances industrielles. Pourquoi la France devrait-elle rester à la traîne ? De toutes les façons, elle n’en est pas moins informée de toutes ces richesses. Par ailleurs, comme le plus souvent, on a toujours eu des déclarations sur des aides allouées aux pays africains par l’Occident, rares sont celles qui mettent en évidence la contrepartie de ces pays. Mais l’histoire nous a appris que dans les relations entre États, la contrepartie, petite soit-elle, elle a le mérite de toujours exister.
Aujourd’hui décriée, la France prend le risque de créer une incompréhension au sein de l’Union européenne dont elle joue un rôle primordial. Ne peut-elle pas par ailleurs influencer les autres pays de l’Union pour lui emboîter le pas en faveur du Burundi ? Ce qui est sûr, si la décision de la France peut être considérée comme un risque, le pays n’est pas si petit pour en assumer les conséquences. Wait and see !