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POLITIQUE

Burundi-Tanzanie : les amours asymétriques

Le Burundi et la Tanzanie, États voisins, ménagent depuis fort longtemps des liens solides. Après un séjour dans les régions frontalières, nous avons remarqué une chose : bien que nos sœurs soient convoitées par les hommes de l’autre côté de la Maragarazi, l’inverse est très rare. On ne verra que (très) rarement un jeune homme burundais décrocher la main d’une Tanzanienne. Nous avons voulu savoir le pourquoi.

Poreuse sur plusieurs points, la frontière burundo-tanzanienne, longue d’environ 451 kilomètres, voit s’échanger des biens divers. Ceux qui visitent Kobero feront le même constat. Les camions grand format, pleins à craquer, cheminent vers le Burundi. Au détour de plusieurs conversations avec les gens du coin, une interrogation s’est installée en nous : pourquoi, selon les dires des habitants de la région, les Burundaises se marieraient-elles en Tanzanie et non les Tanzaniennes au Burundi ?

Nous n’avons pas traîné. Nous avons mené une petite enquête. Pour certains, les Burundaises, conscientes du manque d’ouvertures dans leur pays, apprécient les opportunités, voire les facilités, au pays de Mwalimu. Suzanne, la trentaine, de Giteranyi, confie : « Je ne dirais jamais non à un homme tanzanien qui demande ma main. Là-bas, la vie est (matériellement) possible et les hommes tanzaniens nous adorent parce que nous sommes de très bonnes travailleuses des champs et belles de surcroît ».

Le revers de la médaille

Nos sœurs burundaises n’hésiteraient pas non plus à « se donner gratuitement », sans exiger la dot. Radegonde, la vingtaine, de Muyinga, donne une raison à cela : « On ne peut pas se priver de cette opportunité de vivre une vie meilleure pour une histoire de dot. » Malheureusement, les hommes tanzaniens ne s’empresseraient pas de les épouser légalement.

Ce qui fait que Clotilde, sa voisine de Butihinda, se montre plus circonspecte. Elle rejette cet « appât du gain » et signale qu’en cas de différends entre mari et femme ou sa belle-famille, les Burundaises sont chassées les mains vides. Même leur progéniture leur est confisquée ! « Certains hommes profitent du vide juridique de leur union pour les chasser à leur guise », regrette-t-elle.

Naomi, de la commune Muyinga, s’insurge quant à elle contre les traitements physiques et moraux dégradants qui leur sont infligés en Tanzanie.

Autre pays, autres mœurs….

De l’autre côté de la frontière, les mariages respecteraient mordicus certains usages coutumiers. Sur à peu près les 148 clans (groupes ethniques), certains d’entre eux sont hyper jaloux de leur tradition et quiconque outrepasse l’interdit, est mis au ban de la société. Ce qui fait que les unions avec les hommes étrangers sont plutôt mal perçues.

Adidja, du clan des Sukuma assure, sans détour : « Chez nous, on doit obligatoirement se marier dans notre clan. Pas avec un étranger ! » . Le Burundi étant en proie aux guerres interminables, Adidja comme ses amies ne rêvent pas d’y fonder leurs familles.

Mais les hommes burundais sont aussi réticents à prendre femme en Tanzanie, pour des raisons de… sorcellerie. Kabura de Kayogoro estime que les Tanzaniens seraient tous des sorciers. « Gare à celui qui épouse une Tanzanienne. S’il se bagarre avec elle, et lui et sa famille en paieront un prix », alerte-t-il. Toutefois, Didace B., administratif local de Kibago nuance : « Actuellement, les ‘‘intellectuels’’ d’ici osent souvent briser ces préjugés, qui ne sont fondés que sur des légendes. »

Et si les mariages unissaient les États ?

Les unions libres sont jugées illégales par la législation burundaise. Un mariage n’est reconnu que par le droit écrit. En Tanzanie, à contrario, les usages coutumiers comme la cohabitation permanente ou les unions entre femmes homologuent les mariages. Mais dans tous les cas, le mariage reste une institution très sacrée dans ces deux communautés, qui unit deux familles pour n’en former qu’une.

Les échanges de noces entre les deux groupes voisins auraient cette vertu à la fois de parapher une paix aux frontières et surtout d’en garantir la durée. Et à ce titre, nos deux pays limiteraient probablement certaines incompréhensions qui, quelques fois, nuisent à nos relations.

 

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