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Bujumbura : les balayeuses des rues méritent notre solidarité

La décision de la mairie de Bujumbura de lever une petite armada de femmes pour combattre l’insalubrité des rues de la capitale économique est une mesure à saluer. À une exception près, l’oubli de leur confier des « armes » appropriées : des meilleurs balais. Un détail qui n’en est pas un.

Vendredi 31 mai. Sous un soleil de plomb, dans la ville de Bujumbura, Fabiola, une des balayeuses, nettoie, l’avenue de la JRR. Je la croise vers 9h au niveau de l’hôtel «Le Chandelier». Dos courbé, foulard enroulé sur la tête, balai à la main. La quadragénaire frotte son balai sur le goudron. Le sable qu’elle entasse, elle l’évacue loin du trottoir.

Je ne m’arrête pas. Je hâte le pas, j’ai un rendez-vous à 9h30 au bar «Ku Mutsinda» avec un vieil ami que je respecte beaucoup. Le sachant très ponctuel, je ne me permets que d’adresser des salutations de politesse : «Amahoro mupfaso», c’est-à-dire : « La paix avec vous madame ».

À mon retour, je veux qu’elle s’ouvre à moi. Ses conditions de travail m’interpellent vraiment ! Elle n’a pas de balai approprié. Cela fait quelques jours que je fais la même observation dans différents coins de la désormais capitale économique.

Des questions sans réponses

Je poursuis mon chemin. Plusieurs questions infestent mon raisonnement. « Ces femmes, dont la plupart sont très âgées, pourquoi n’ont-elles pas de balais appropriés ? Les autorités municipales s’en rendent-elles compte ? Comment est-ce qu’on donne du travail sans les outils ?».

La rencontre avec mon ami n’aura duré qu’une demi-heure au maximum. Sur le chemin de retour, pensif, méditatif, je remâche les mêmes questions.

Je retrouve Fabiola, assise, au tournant de l’avenue d’avant le boulevard du 28 novembre. «Amasaha ageze ku masahani, mugira muce mutaha», c’est-à-dire, (Midi approche, vous êtes sur le point de rentrer), lui dis-je.

Un travail sans outils ?

Sourire aux lèvres, elle m’apprend que les balayeuses sont payées à la tâche : « Si je parvenais à m’acquitter du nettoyage de toute cette avenue en une heure, c’est qui est pratiquement impossible, j’aurais gagné ma rémunération ».

Fabiola balaie, dos courbé, depuis 6h. Le nettoyage de toute l’avenue de la JRR est une affaire de deux balayeuses, chacune un trottoir. Sa collègue de l’autre côté est absente. Fabiola balaie la partie qui lui revient.

Petit à petit, elle va s’ouvrir. Confiante, elle va révéler timidement que leur employeur (deux associations auxquelles les balayeuses sont liées par contrat) a refusé de leur donner des balais appropriés.

Elles en ont toujours fait la demande, affirme-t-elle, mais la réponse est restée la même : « Achetez-les vous-mêmes ! ». Impuissantes, les balayeuses se rabattent sur ceux dont elles peuvent supporter le coût, les balais traditionnels.

Appel à solidarité…

Fabiola n’a pas d’autre choix : « Avec les 2500 Fbu que je gagne chaque jour, je contribue  beaucoup à la survie de ma famille. Le revenu de mon mari, agent dans une société de gardiennage, ne peut pas nous faire vivre, avec nos quatre enfants ».

Ce travail n’est pas sans conséquences. Fabiola confie qu’il est à l’origine des mésententes entre son époux et elle, au sujet de la vie conjugale : « Je rentre très épuisée, je ne suis plus à mesure de le satisfaire sexuellement. Le temps que je passe courbée sur ces balais, des heures et des heures, me casse le dos et je ne peux remplir mon devoir. Souvent, je refuse malgré son insistance et malgré moi ».

Si les associations pour lesquelles elles travaillent refusent de leur réserver des conditions de travail acceptables, nous autres usagers de ces routes qu’elles nettoient à longueur de journée, manifestons la solidarité envers elles en attendant que les autorités municipales trouvent des solutions pour cette question une fois pour toute.    

 

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