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ECONOMIE

Burundi : surproduction laitière, vraie ou fausse alerte ?

Après que le PRODEFI a distribué des vaches dans certaines provinces du Burundi, il y a eu une surproduction laitière au point d’inquiéter dans certaines contrées. Et pourtant…

C’est un éleveur heureux et inquiet que je rencontre en ce début  mai 2019 au centre de collecte de lait de Muzinda. Nous sommes dans la commune de Rugazi en province Bubanza. Félix est heureux pour avoir été un des bénéficiaires du Programme de Développement des Filières (PRODEFI) dans son programme de repeuplement du cheptel bovin. « La vache que le PRODEFI m’a offerte m’a été d’une grande importance. D’abord, je pouvais consommer du lait à volonté comme jamais avant et ensuite, j’avais un surplus que je vendais au centre de collecte et l’argent tiré de cette vente m’aidait dans bien de choses», nous dit celui qui est membre de la coopérative « Umuco w’inka ». Et ce, jusqu’à ce qu’ils ne trouvent plus d’acheteurs de leur lait et soient « obligés parfois de déverser leur lait par terre ».

Il faut dire qu’ils étaient nombreux dans cette situation. En effet, quelque 183 ménages ont bénéficié de ce programme sur la seule colline Kayange. Ils sont donc tous obligés d’acheminer leur lait au centre de collecte de Muzinda. Si son gérant dit qu’actuellement la quantité de lait n’est pas importante et qu’ils peuvent accueillir tout le lait venant des différents ménages, il dit cependant que ça n’a pas été toujours le cas. « Il fut un temps où il y avait comme une surproduction laitière et il arrivait qu’on dise à un éleveur de rentrer avec son lait parce qu’on n’a pas d’équipements de conservation ni où écouler ce lait dans les brefs délais ». C’est vers les mois de septembre-octobre que la surproduction se fait sentir et c’est là où réside l’inquiétude de Félix qui se demande : « Allons-nous être obligés encore de jeter notre lait par manque d’acheteurs ? ».

Nuances

« La surproduction comme telle n’est pas une réalité », nous dit Pierre Ndikumagenge du PRODEFI qui explique que même s’il y a évolution quant à la commercialisation du lait en passant par le circuit formel, le circuit informel domine encore et de ce fait, des méventes éventuelles peuvent être enregistrées. « C’est d’ailleurs grâce à cette évolution que quelque 16 000 litres de lait sont aujourd’hui collectées par jour dans différents centres », rassure-t-il.

Avis partagé par Chadly Habimana de la plus grande unité de transformation de lait au Burundi, Modern Dairy Burundi, connu sous son produit Natura. « Il y a plutôt un manque de lait », nuance-t-il. «Imaginez une entreprise qui a une capacité d’accueillir 40 000 litres mais qui reçoit à peine 6 000 litres! », s’exclame le Directeur commercial. « Même les 16 000 litres dont parle celui du PRODEFI, nous ne les voyons pas sur terrain », fait-il remarquer.

Pour lui, il faut chercher les raisons de cette supposée surproduction ailleurs : « Ça peut arriver qu’une personne avec du lait à vendre ne trouve pas d’acheteur parce qu’il habite un coin éloigné des acheteurs ou parce qu’il y a un problème de cartographie pour savoir qui vend du lait et où se trouve-t-il. Mais surtout, il faut également considérer l’aspect consommation et qualité du lait puisque nous n’achetons pas n’importe quel lait ».

Et la solution ?

« Au début du projet, le PRODEFI prévoyait de mettre en place des unités de transformation du lait mais au lieu de ça, il y a eu des centres de collecte de lait à travers des coopératives, ce qui faisait que dans certaines régions, il pouvait manquer d’acheteurs », explique un expert en Agrobusiness de la CFCIB. Pour lui, il y a eu un problème de régulation de la quantité de lait à produire pour qu’il puisse être écoulé. Et la sous-consommation du lait est aussi est à considérer au Burundi où seulement 6,6 kg de lait sont consommés par habitant par an contre 25 au Rwanda ou encore 50-60 en Tanzanie.

Pour cet expert donc, il faut « une mise en place des mini-laiteries locales, avec des moyens de conservation afin de transformer le lait sur place et ensuite  le commercialiser ». Mais pour cela il faudrait qu’il y ait un appui aux opérateurs économiques par la mise en place d’un Fonds de bonification des taux d’intérêt, comme cela se fait dans d’autres pays, c’est-à dire que l’État travaille avec la Banque Mondiale pour mettre en place un Fonds pour qu’un investisseur qui veut investir dans l’agrobusiness puisse avoir accès à un crédit avec un taux bas pour stimuler les investisseurs. Ici, c’est sans oublier aussi « l’éducation à la consommation  du lait ».

 

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