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#BdiEmploi : « Le  chômage urbain, c’est mieux que l’emploi rural »

Fin 2014. Nous sommes à université du Burundi, campus Mutanga. C’est la dernière promotion de l’ancien système, du moins pour ceux qui fréquentent les Facultés.  Jean, avec ses condisciples,  vient  de boucler son cursus universitaire de 4 ans, en Langues et Littérature Anglaises. Il fait face à un choix.

Le premier cycle de l’enseignement terminé, Jean va goûter au mets commun des lauréats d’université : le chômage. Mais comme par chance, pour lui, l’attente ne sera pas longue. Un mois après, son téléphone sonne. Le directeur d’un lycée de l’intérieur du pays a besoin d’un prof d’anglais. Il s’agit de la province Makamba. Et cela tombe bien car Jean est natif de là. Sauf que pour ce jeune lauréat, le métier d’enseignant, ku gatumba (à la colline, ndlr) en plus, ne l’attire pas. «Vaut mieux rester en ville sans emploi plutôt que retourner vivre chez mes parents ou près d’eux. Pas question!», confie-t-il.

Il explique : «Tu sais, pour nous qui venons de l’intérieur du pays et qui avons eu la chance de fréquenter l’université, le retour à la case départ  pour y travailler et y passer sa vie n’est pas souvent une option. Normalement quand on étudie, c’est pour avoir une meilleure vie, absente la plupart du temps chez nous. Crois-moi, ce n’est même pas évident que tes parents t’encouragent à y retourner, eux qui ne rêvent que de voir leur progéniture réussir. Et j’avoue que pour moi aussi, la ville c’est mieux que la campagne».

Ce presque trentenaire qui a fait toute sa scolarité post-primaire dans la désormais capitale économique avance d’autres raisons qui l’ont poussé à choisir le «chômage»: «Le milieu urbain offre plus d’opportunités que le milieu rural. Ici en ville, il y en a qui gagne plus qu’un enseignant par exemple alors qu’ils ne travaillent pas officiellement. Je me suis dit, pourquoi pas moi. C’est sans parler des infrastructures comme l’électricité qui n’existent presque pas chez nous».

Il y a une explication pour ça

Préférer le chômage en ville à l’emploi en milieu rural, c’est incroyable mais vrai. Pour le sociologue Aloys Toyi, il est normal que le milieu urbain attire surtout les jeunes lauréats des universités, chez qui la dimension symbolique de la ville, est plus forte qu’être chômeur :  la rupture avec le monde paysan, ce qui est en réalité une illusion de la vie. Et cette dimension symbolique, poursuit cet enseignant d’université, elle est le résultat d’une socialisation, d’une sensibilisation qui a eu lieu à une certaine époque : «Du temps de la colonisation, même l’Église catholique s’y mettait, encourageait les gens à quitter le monde rural pour la ville ». Depuis, c’est la continuité. La ville reste une destination privilégiée pour la plupart des pays africains dont le Burundi, «contrairement à l’Occident où la tendance est plutôt au sens inverse».

«La ville, mieux que la campagne» reste donc un cliché à déconstruire, même si pour un diplômé de l’université qui a déjà goûté aux «délices» de la vie urbaine, ce n’est pas si simple que ça. Surtout qu’au Burundi, «le déséquilibre entre les deux milieux en termes d’infrastructures de base est frappant. Un combat sur ce front, suggère le sociologue, doit être mené par les pouvoir publics».

 


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