Inarunyonga (à ne pas confondre avec «son fils» de Runyonga) est un personnage dont nous avons entendu parler depuis notre enfance. Mais qui était-elle réellement?
Son évocation suffit pour nous détendre et attirer notre attention. C’est un personnage qui pose les problèmes de valeurs et de non-valeurs du Burundi traditionnel. Connue pour son manque de pudeur, son cynisme mais aussi pour son sens de l’humour, elle fait figure d’antimodèle féminin, une femme à ne pas imiter.
Et contrairement à Samandari dont la trace géographique n’existe pas, la légende voudrait qu’Inarunyonga soit localisée à Ngozi, au nord du pays. Un bosquet, ku gasaka ka Inarunyonga, près du bureau du gouverneur de province fait d’ailleurs allusion à son existence. Une existence qui ne reste que légendaire tout de même.
Évoquant Inarunyonga dans son «Essai d’analyse de la satire des mœurs dans les contes de Samandari et Inarunyonga», Patrice Manirakiza fait de cette dernière, d’un côté, le symbole de la malignité (comme quand elle trompa le roi en se passant pour un homme), de la lâcheté parentale (quand elle gronda son neveu Kigunú pour avoir mangé le repas de son fils Runyonga), spécialiste de l’art du mensonge, symbole de la gourmandise (elle chassa par ruse le roi du Rwanda qui s’abritait chez elle pour qu’elle puisse manger). Mais, de l’autre côté, le personnage d’Inarunyonga passe pour une spécialiste de l’art de la parole, maître de l’humour, d’intelligence rusée, pédagogue, pourquoi pas réformatrice.
C’est aussi une femme qui défend ses droits de façon outrancière et irritante. Elle ne se laisse pas faire. Elle est le symbole d’une «femme d’un égoïsme rare et aux mœurs légères dont personne ne souhaiterait être le mari».
Au-delà de la légèreté, le sens profond
Personnage humoristique, sans pudeur et vindicative, ses contes vont au-delà du simple rire et ont un sens quelquefois profond. Malgré tous ses défauts, le personnage d’Inarunyonga a aussi des qualités bien que moins fréquentes dans ses contes.
C’est du moins ce qu’écrit Eusèbe Nsabe dans son mémoire de fin d’étude en Langue et Littératures Africaines «Le personnage d’Inarunyonga d’après les contes de son cycle ». Dans une société où la femme a été toujours considérée comme une personne de second rang, Inarunyonga représente une femme «émancipée». Par exemple, avance le mémorand, dans le Burundi traditionnel, seuls les hommes pouvaient se rendre à la cour du roi pour demander une vache au roi, mais dans ses contes, Inarunyonga va droit à la cour royale pour se chercher une vache. Autant dire qu’elle ne compte pas sur la présence d’un homme dans l’entreprise de ses actions. Un peu comme pour dire qu’une femme avec des mérites ne devrait pas être laissée à l’ombre mais qu’on devrait tenir compte de sa participation au développement de sa propre nation.
Qui plus est, l’humour dont il est question dans les contes d’Inarunyonga a aussi une dimension éducative. Des contes qui rendent compte de la manière dont procédaient nos ancêtres pour éduquer la population en général et leurs enfants en particulier.
Au-delà de sa dimension satirique, estime Patrice Manirakiza dans l’ «Essai d’analyse de la satire des mœurs dans les contes de Samandari et Inarunyonga», le personnage d’Inarunyonga exprime les travers de certaines personnes, même les grands, en vue de les redresser, les ramener à la raison. Ainsi, à travers ce personnage, l’occasion nous est donnée de constater les comportements à bannir et les conduites à tenir pour la bonne marche de la société.