Au Burkina Faso, le phénomène de prêches publiques, dans la rue, prend de l’ampleur. Dans plusieurs coins de rue, ou dans la circulation, des prêcheurs diffusent leur message aux populations à l’aide de microphone. Même si au niveau de certains responsables religieux, l’on assure que la pratique n’est pas autorisée, elle devient de plus en plus perceptible et cela inquiète certaines populations, vu le contexte actuel du pays.
Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani
Avec son matériel de sonorisation de fortune bien fixé sur sa moto, Abraham Boussim, de la mission internationale « Armée du Salut », arpente les rues de son secteur. Trois fois par semaine pour prêcher la parole de Dieu : « C’est moi-même qui vais vers les gens pour les prêcher. Jésus, même lui, allait vers les gens. J’aime les carrefours comme cela, c’est pourquoi c’est dans les carrefours, là où les gens sont rassemblés pour pouvoir délivrer le message. »
Une pratique diversement appréciée par les populations. La plupart de celles que nous avons rencontrées, suggère que ces prêches se fassent sur les lieux de culte. « Il y a des lieux qui sont spécialement faits pour ça, les églises, les mosquées, affirme un passant. Mais passer de six mètres en six mètres, s’arrêter au bord de la voie, surtout au niveau des feux, ce n’est pas du tout intéressant. »
Encadrer la pratique
Pour le sociologue Salia Koné, l’État doit prendre des mesures pour encadrer ces pratiques, vu le contexte actuel du pays, marqué par une exacerbation de l’extrémisme violent : « C’est vraiment un problème qu’il faut prendre au sérieux. Ces prêches dans les rues à tout bout de champ, ce n’est pas autorisé. Donc il y a un cadre dans lequel il faut faire ces prêches, je pense également que ça peut être un danger pour la population dans la mesure où il y a également le radicalisme violent. » En attendant, ces prédicateurs continuent à propager leur message.
Au niveau du tout nouveau ministère des Affaires religieuses et coutumières, la situation des prêches au coin de rue est suivie avec attention. Selon Drissa Modeste Sessouma, le directeur de cabinet du ministre, une loi est en cours de rédaction. Cette loi aura pour objectif d’encadrer toutes les pratiques religieuses au Burkina Faso.
« Cette loi va être un outil, dès lors qu’elle sera adoptée, qui va réellement permettre de réglementer ce domaine-là et de prendre toutes les dispositions pour qu’effectivement, il y ait un peu d’ordre dans ces prêches que nous rencontrons dans les rues. Que ce soient des prêches qui sont faits par des nationaux, des prêches qui sont faits par ceux qui viennent de l’extérieur, la loi va encadrer ça, explique Drissa Modeste Sessouma. Dans quelles conditions il faut prêcher, quelles sont les autorisations et autres qu’il faut avoir, et aussi faire un peu la promotion en créant des passerelles entre les différentes confessions religieuses pour qu’il y ait ce dialogue-là. Et bien sûr, la loi, comme toute loi, va prévoir des sanctions, donc il y a des sanctions qui sont prévues, qui seront dans cette loi-là et qui vont être appliquées comme toute loi. »