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Guinée-Bissau: après la tentative de coup d’État du 1er février, et maintenant?

La Guinée-Bissau a été secouée la semaine dernière -le 1er février- par l’attaque du palais du gouvernement, où étaient réunis le président Umaro Sissoco Embalo et les ministres. Une « tentative de coup d’État », selon les autorités. Le bilan officiel est de 11 morts. Des questions restent en suspens.

Dix jours après les évènements, le chef de l’État a, pour la première fois, cité des noms de responsables. Devant la presse étrangère, ce jeudi 10 février, Umaro Sissoco Embalo a accusé l’ancien chef de la marine, l’amiral José Americo Bubo Na Tchuto, et deux « complices » : Tchamy Yala et Papis Djemé. Les trois hommes avaient été arrêtés par les autorités américaines en 2013 dans une affaire de trafic de drogue. 

« La main armée, c’est des gens qui ont des liaisons avec les gros cartels de la drogue », a assuré le président Embalo. « Là, l’ancien chef d’état-major de la marine est en prison. Il avait même été incarcéré aux États-Unis. Il est impliqué. Et pendant les tirs au sein du palais du gouvernement, Bubo était à l’état-major de la marine. À un certain moment, j’ai entendu un des assaillants dire : ‘on va appeler pour qu’il nous envoie des renforts’. » Le chef de l’État a pointé du doigt un « groupe de bandits, d’assassins, de terroristes », qui cherchait à « décapiter l’État », sans donner de précisions sur le nombre d’arrestations. 

« Zones d’ombre » 

Mais il reste « des zones d’ombre » autour de ces évènements selon Domingos Simoes Pereira. Le leader du PAIGC -ancien parti au pouvoir, aujourd’hui dans l’opposition- met en doute la version officielle. 

« C’est difficile de croire à leur rhétorique. Il y a des éléments qui ne collent pas », estime « DSP » (son surnom). « Pour notre malheur, ce n’est pas la première fois qu’il y a un coup d’État en Guinée-Bissau. On n’a jamais vu une tentative de coup d’État de cette manière. C’est étonnant, car le palais du gouvernement où tout s’est déroulé se trouve à 200 mètres d’une caserne militaire, et les militaires ne s’en sont pas mêlés. Il y a cinq heures d’échanges de feu, et les victimes ne sont que des gardes du corps ? Mais quelle était l’intention de ces agresseurs ? La nation bissau-guinéenne a le droit de connaître la vérité, et je pense que cette vérité doit venir d’une commission d’enquête internationale. » 

Tensions au sommet de l’État 

L’attaque est survenue dans un contexte de tensions entre le président et le Premier ministre Nuno Gomes Nabiam. Notamment à propos d’un avion Airbus A340 qui avait atterri à Bissau fin octobre avec autorisation présidentielle, mais le chef du gouvernement avait d’abord parlé d’une « cargaison suspecte ». L’appareil était toujours stationné à l’aéroport de Bissau la semaine dernière. Des frictions aussi sur un projet d’accord de partage des futures ressources pétrolières et gazières avec le Sénégal voisin. Le président a assuré ce jeudi qu’il « n’y a pas de mauvaises relations » avec le premier ministre. L’intéressé, Nuno Nabiam, n’a pas fait de déclaration publique depuis les évènements du 1er février. 

« On est fatigué » 

Depuis l’attaque du palais du gouvernement, la vie a rapidement repris son cours à Bissau. Effervescence habituelle sur les marchés, embouteillages de taxis bleu-électrique Mercedes côtoyant mini bus bondés et 4×4 rutilants, et pas de dispositif sécuritaire particulier dans la capitale. Le calme, malgré un malaise ambiant, et plusieurs incidents survenus ces derniers jours : mardi soir, le domicile de l’analyste Rui Landim -très critique à l’endroit du pouvoir-, a été ciblé par des hommes armés. La veille, la radio privée Capital FM -considérée comme favorable à l’opposition-, avait été attaquée. Samedi 5 février, le PAIGC avait dénoncé une opération de police, à son siège, « pour empêcher les militants de participer à une réunion de préparation du prochain Congrès », prévu à partir du 17 février. 

« La Guinée-Bissau est championne des coups d’État, mais aussi des rumeurs », glisse sans sourire un responsable de la société civile. Sur fond de fake news et de discours aux relents communautaristes sur les réseaux sociaux, de nombreux habitants expriment leur lassitude face à cet énième épisode d’instabilité depuis l’indépendance du pays en 1973. « Je suis fatigué », se désole un chauffeur, « les politiques, le gouvernement, ils ne travaillent pas pour la société, ils ne pensent qu’à leurs propres intérêts, pour ‘manger l’argent’. Et nous, la population, on essaie de se débrouiller seulement. On n’a pas d’écoles de qualité, le système de santé ne fonctionne pas, c’est très difficile. » 

Force de stabilisation 

Lors du sommet d’Accra du 3 février, la Cédéao a annoncé l’envoi d’une nouvelle force régionale de stabilisation en Guinée-Bissau. Sans précision pour l’heure sur sa composition, ni un calendrier. « Le président ne se sent-il pas en sécurité avec l’armée nationale ? », s’interroge un acteur politique. « La Guinée-Bissau est un pays de plein droit de la Cédéao », souligne Umaro Sissoco Embalo. « Si l’organisation sous-régionale pense qu’il est très important d’envoyer (des troupes), je ne peux pas m’opposer ». De son côté, le PAIGC exige un vote à l’Assemblée nationale populaire -le Parlement- pour autoriser son déploiement. La Cédéao avait déjà déployé une force de stabilisation (Ecomib) après le coup d’État de 2012, pour sécuriser les institutions et personnalités publiques. Elle avait quitté le pays en septembre 2020.

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