Les 17 et 18 février prochain, l’Union européenne invite les dirigeants africains à un sommet consacré aux relations commerciales. L’Europe, premier partenaire du continent, entend renforcer ses liens avec l’Afrique, mais là-bas, les acteurs du monde économique souhaitent un rééquilibrage du rapport de force.
Peut-il y avoir une relation commerciale équilibrée entre l’Europe et l’Afrique, entre un géant commercial et un nain économique ? Thierry Kesteloot, chargé de plaidoyer de l’ONG Oxfam Belgique est sceptique.
« Le rapport de force n’est pas équivalent et l’Union européenne a des capacités commerciales bien plus offensives et des intérêts commerciaux bien plus offensifs que ceux d’Afrique continentale. Donc, il y a des intérêts forts différents et l’on constate aussi que les négociations commerciales précédentes n’ont pas toutes abouties à des résultats, principalement parce que les intérêts des pays africains n’ont pas toujours été respectés », explique-t-il.
S’adapter plus facilement aux normes ?
Ces négociations, baptisées APE ou Accords de partenariat économique, sont celles que l’Europe mène depuis quinze ans avec les différentes régions d’Afrique. Trente-deux pays africains ont signé, mais un poids lourd comme le Nigeria refuse et l’Afrique du Sud y a mis beaucoup de conditions.
Pourtant, l’économiste sénégalais, Moubarack Lô, qui a participé aux négociations en 2008, estime que les APE vont forcer les exportateurs sénégalais à s’améliorer.
Si vous prenez des produits comme les produits alimentaires, l’Europe est le continent le plus exigeant en terme de normes. Maintenant, c’est aux entreprises de s’adapter à ces normes et de faire la mise à niveau pour s’adapter à ces normes. C’est vrai que cela demande de gros investissements, et d’ailleurs l’Europe devrait financer ces programmes de mise à niveau dans le cadre des programmes de coopération pour permettre aux PME et PMI africaines de pouvoir répondre aux normes posées par l’Europe.
Pour une vraie politique de transfert de technologies vers l’Afrique
La pure logique libérale doit s’accompagner de garde-fous, plaident les économistes. Certes, les pays africains peuvent réclamer des exemptions au principe de réciprocité d’ouverture des marchés qui constitue le cœur du dispositif.
Mais cela ne suffit pas pour Moubarack Lô qui souhaite une vraie politique de transfert de technologie vers l’Afrique :
Il y a aujourd’hui des technologies qui ne sont plus compétitives en Europe – je peux prendre comme exemple les bateaux de pêche espagnols qui ne peuvent plus pêcher en Europe – mais qui sont très puissants et qui pourraient venir en Afrique, non pas pour venir pêcher mais que l’on pourrait transférer aux pêcheurs africains pour pouvoir accéder à la haute mer. Cela doit faire l’objet des discussions entre l’Europe et l’Afrique, comment favoriser le transfert de technologie. Le Japon et la Chine ont fait du transfert de technologie, c’est ce qui a permis à des pays comme la Malaisie, l’Indonésie et la Thaïlande d’émerger.
Un partenariat mutuellement bénéfique est possible si les exportateurs européens refrènent leur volonté d’écouler leurs surplus agricoles à bas prix en Afrique.