Après la récession de 2020, le continent a connu une reprise en 2021, mais l’Afrique est le continent où la croissance aura été la plus faible cette année. Endettée, l’Afrique n’a pas les moyens de financer des plans de relance. Aussi, les grandes puissances et les institutions internationales comme le FMI ont promis d’aider les économies africaines.
Les promesses de la communauté internationale ont-elles été suivies d’effets ?
Comme souvent en économie cela dépend du point de vue duquel on se place. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Mais ce qui ressort de cette année 2021, c’est d’abord le sommet de Paris, et la volonté de trouver des financements pour les économies africaines. C’était en mai dernier. Ce sommet a donné un coup de booster à un mouvement de solidarité financière enclenché en 2020. Le FMI à procédé en août à une émission mondiale de DTS. En gros, une création de crédits pour aider les pays à surmonter la crise. Et l’Afrique a reçu sa part : 24 milliards de dollars, 33 si l’on ajoute l’Afrique du Nord. C’est bien, mais c’est clairement insuffisant au regard des besoins.
Et c’est là qu’est née l’idée d’une réallocation de DTS des pays riches au pays les plus pauvres
Oui, parce que les pays riches n’ont pas forcément besoin de tous les DTS créés par le FMI, ils ont déjà leurs plans de relance. Ils ont donc proposé de donner à l’Afrique une partie de leurs quotas. L’objectif (fixé notamment par Emmanuel Macron lors du sommet de mai) étant d’arriver à une somme proche de 100 milliards de dollars pour l’Afrique. La France a annoncé qu’elle donnerait 20% de ses DTS, soit 5 milliards de dollars. La Chine va donner 10 milliards, etc. Mais le processus prend beaucoup de temps. Pourquoi ? Parce que les pays riches, le FMI et la Banque mondiale cherchent encore le bon mécanisme pour distribuer ces DTS.
Cela suffira-t-il pour que l’Afrique surmonte la crise actuelle ?
Il faut rappeler que 30 millions de personnes sur le continent ont basculé dans l’extrême pauvreté cette année.
Les estimations varient, mais il faudrait entre 30 et 50 milliards de dollars, et ce pour les trois prochaines années, pour que le continent puisse repartir du bon pied. C’est-à-dire à la fois aider le secteur de la santé, aider les populations vulnérables, vacciner les gens et soutenir les entreprises par des programmes d’infrastructures. Si l’on fait les calculs, on commence à s’approcher du compte. Oui, le FMI a déboursé de l’argent pour les plans d’urgence : 24 milliards de dollars cette année. Oui, les DTS commencent à arriver. Oui, la Banque mondiale vient d’annoncer un important programme triennal pour les pays pauvres. Mais il faut régler la question de la dette, (elle ne fait qu’augmenter) et du service de la dette (qui grève les budgets de santé et d’éducation, notamment) et qui ne sera plus gelé dès 2022. Tout cela prend beaucoup de temps. Or le temps est compté si l’on veut éviter les crises sociales.
Y a-t-il des raisons d’être optimiste ?
Il y en au moins deux. D’une part le FMI a montré qu’il avait fait évoluer sa doctrine. On n’est plus face à la terrible et glaciale institution des années 1990 qui ruinait sans sourcilier des États à coup de plans d’ajustements structurels. Désormais l’heure est à la compréhension.
Un exemple : les décaissements du FMI envers les pays africains sont dix fois supérieurs cette année à ce qu’ils étaient les années précédentes. Le FMI a fait preuve d’une agilité peu commune dans la réponse au Covid-19. Et c’est la bonne surprise de cette année pour les pays concernés.
La deuxième raison d’être optimiste, c’est que le monde de la finance commence à prendre le relais en Afrique. On en est encore au tout début, mais cette timide arrivée de capitaux privés se traduit déjà par une baisse des taux d’intérêts que paient les États lorsqu’ils empruntent sur les marchés. Et ça c’est une nouveauté.
Il suffit de demander aux dirigeants ivoiriens, béninois ou sénégalais : ils n’ont jamais emprunté si peu cher. L’argent privé abordable commence à prendre le relais de l’argent public. Jusqu’à présent l’Afrique en était coupée à cause de taux d’intérêts trop élevés.