Le bilan du naufrage du navire Francia s’établit toujours à 64 morts, dont cinq enfants, sur les 130 passagers que transportait le bateau.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Laure Verneau
Les 130 passagers étaient entassés sur un embarcadère en bois, de 12 mètres de long et 2m50 de largeur. Une partie sur le pont, et l’autre en soute – des soutes faites pour acheminer des marchandises et non des personnes.
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Pourquoi alors monter sur un esquif si précaire ? Si l’autorité portuaire, maritime et fluviale, l’APMF, affirme que ce trajet était exceptionnel, un chauffeur familier de la région assure au contraire que les liaisons illégales en bateau sont très communes dans cette zone.
En cause, la route nationale 5, qui longe cette portion de la côte et qui se trouve dans un état déplorable. Toujours selon le chauffeur, « les taxis-brousse mettent parfois plus de 8h à arriver à destination, ou tombent carrément en panne. Le trajet par la route est trop aléatoire », explique t-il.
L’absence de contrôle étatique pointé du doigt
Selon une habitante de Soanierana Ivongo, où le bateau s’est échoué, trous d’eau, piste, sable, ornières entravent aussi la circulation des moto ou des 4×4. En revanche, en bateau, la liaison se fait en approximativement 2h15.
À l’approche des fêtes, ces passagers cherchaient-ils à rejoindre leur famille le plus vite possible ? L’enquête, menée conjointement par la gendarmerie nationale et l’APMF, le dira peut-être.
La société civile a de son côté réagi à la tragédie. Clovis Razafimalala, coordonnateur de l’alliance écologiste Lampogno, habite la zone d’où est partie l’embarcation. Le défenseur de l’environnement, emprisonné en 2017 pour avoir dénoncé les trafics de bois précieux, s’insurge contre l’absence de contrôle sur cette côte très prisée des trafiquants.
« Dans la partie nord-est de Madagascar, il y a beaucoup de petits ports qui n’ont pas de contrôleurs. Il n’y a pas d’agents de la douane, ni d’agents de l’APMF, l’autorité qui est responsable du trafic maritime et fluvial. Donc les bateaux peuvent embarquer tout ce qu’ils veulent. Que ce soient des ressources, des marchandises ou des passagers illégaux aussi. Donc tout est illégal.
Il fustige, dans ce contexte, l’immobilisme de l’État : « Dans notre plaidoyer [pour lutter contre le trafic] de bois de rose, on a demandé à l’État des services pour assurer le contrôle des côtes malgaches. Toutes les côtes malgaches. Depuis notre première demande en 2014 jusqu’à maintenant, ça n’a jamais été fait. S’il y avait eu un contrôle, ce bateau n’aurait pas eu l’autorisation de transporter des personnes : c’était un bateau de marchandises ! C’est un drame qui aurait pu être évité. »
■ Deux catastrophes se téléscopent, un seul fait la une
Mercredi matin, c’est un autre fait-divers de transport qui faisait la Une de la presse de la Grande Île : le crash de l’hélicoptère militaire, dans la même zone quelques heures après le naufrage, a constaté notre correspondante Sarah Tétaud.
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La presse a particulièrement relaté la survie inouïe de deux des quatre occupants de l’hélicoptère. L’un des deux miraculés n’est autre que le secrétaire d’État à la Gendarmerie. Dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans les médias, le sujet hier était sur toutes les bouches dans les rues de la capitale.
Cependant 48h après le drame, beaucoup encore ignoraient tout du naufrage ayant eu lieu à 500 km de la capitale. Vonjy est coiffeuse. Elle a découvert l’histoire du crash et de l’incroyable survie du ministre mais le reste, elle n’en a pratiquement pas entendu parler.
« Dans les journaux, je n’ai vu que les grands titres à propos du général. Et seulement un tout petit peu d’articles à propos des morts dans le bateau. Ca m’étonne un peu, parce que pour moi, ça veut dire qu’on ne parle que des gens connus, comme le ministre, et les petits, on s’en fout. C’est comme ça que je le ressens. »
Ce jeudi 23 novembre a été déclaré jour de deuil national sur toute l’île, en hommage aux victimes du naufrage.