A Madagascar, le ministère public a requis mercredi soir la réclusion à perpétuité pour les deux Français et 3 autres des vingt accusés dans l’affaire dite « Apollo 21 », du nom de la présumée tentative de coup d’Etat et d’assassinat du président malgache. Complot et association de malfaiteurs sont les charges qui ont été retenues contre certains inculpés. La défense, elle, demande l’abandon pur et simple des poursuites au motif d’une procédure entachée de vices et de manipulation de preuves. Le verdict définitif est attendu sous 48h.
avec notre correspondante à Madagascar,Sarah Tétaud
Après l’étude des dernières pièces à conviction, hier après-midi au terme de cette 8ème journée de procès à la Cour criminelle d’Antananarivo, les trois avocats généraux se sont lancés dans un réquisitoire long de 2h30.
« Tous les 20 voulaient assassiner le président de la République. Ils avaient l’intention de commettre un assassinat », assène l’avocat général Arsène Rabe. « Mais le point le plus important, c’est la volonté de Paul Rafanoharana de commettre un coup d’Etat. Il voulait devenir Premier ministre. Il voulait entrer au gouvernement pour mettre fin au régime mafieux. »
Pour chacun des 20 accusés, le Parquet général a énoncé les peines requises.
Estimant les preuves suffisantes contre les deux Français pour maintenir les chefs d’accusations « association de malfaiteurs », et « complot en vue d’attenter à la vie du chef de l’Etat et de renverser le gouvernement », le Ministère public a requis la réclusion à perpétuité pour cinq d’entre eux, à savoir le Franco-Malgache Paul Rafanoharano présenté comme l’accusé principal, son épouse, l’ex-colonel français Philippe François, leur associé Aina Razafindrakoto, et l’ex-Premier ministre le général Victor Ramahatra.
Les avocats des deux Français ont, eux, plaidé non coupable, et réclament une fois encore l’annulation de la procédure, tant le procès, soutiennent-ils, est inéquitable.
« J’ai plaidé dans le sens où il y a violation de droit international et droit national. Dès l’enquête préliminaire, les arrestations ne sont pas conformes aux droits internationaux, nous assureArlette Rafanomadio, l’une des avocates de Paul Rafanoharano. Il y a violation de la présomption d’innocence, violation du droit de la défense, et surtout, violation de la séparation des pouvoirs. L’exécutif et le législatif se sont immiscés au sein de l’appareil judiciaire depuis le début de cette affaire. »
Les plaidoiries ont aussi mis en avant les coups bas et les preuves déloyales. « Pourquoi des preuves apparaissent cinq mois après ? Comment se fait-il que l’enregistrement d’une prétendue conversation entre mon client et cette « dame F » soit présenté tout à coup le 8 décembre ? Cette « dame F », personne ne sait qui c’est mais les huissiers (mandatés par la Procureure Générale, NDLR), eux, reconnaissent avec certitude dans le procès-verbal de transcription qu’il s’agit de sa voix … » s’agace Solo Radson, avocat de Paul Rafanoharana. Une autre avocate pointe du doigt l’absence d’égalité des armes. « Comment se fait-il que Mme Romy, Mme Florence (aussi appelée « Dame F », NDLR), Mme Michou, trois femmes dont les noms ont été cités à de nombreuses reprises dans le dossier, ne soient même pas convoquées ? Hein, pourquoi ? Parce que ce sont des personnes de la Présidence ! »
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Quant aux autres accusés, parmi lesquels de hauts gradés d’active, des gendarmes d’élite ou la conjointe de l’ex-militaire français, le Parquet général laisse à la juge et à ses assesseurs le soin de décider de la sentence.
Ce jeudi, les avocats de la défense poursuivront leur plaidoirie. Puis ce sera in fine à la Cour de se retirer pour délibérer et donner son verdict final.