Les Marocains étaient appelés à renouveler la chambre des représentants ainsi que les conseils communaux et régionaux. En attendant les résultats officiels, RFI est allée à la rencontre du centre de recherche Tafra : des jeunes Marocains qui contribuent au débat démocratique en s’appuyant sur plusieurs disciplines.
De notre envoyée spéciale à Rabat,
Dans un appartement du quartier Hassan à Rabat, ils sont ingénieur, géographe, statisticien et défendent une approche scientifique, basée sur la collecte et l’analyse de données pour contribuer au débat démocratique.
« Le Maroc publie relativement peu de données. Les données électorales n’étaient pas disponibles avant 2015. Encore aujourd’hui, on manque de détails », explique Karim El Hajjaji, président et co-fondateur de Tafra.
Pour illustrer la manière dont l’analyse des statistiques peut tordre le bras à des idées reçues, il donne l’exemple des bulletins blancs.
« Au Maroc, aux précédentes élections, les bulletins blancs ont été le deuxième ou troisième « parti politique ». Il y a une hypothèse qui dit que c’est parce que le vote est complexe, que le bulletin manque de lisibilité et que les gens se trompent. Mais quand on va dans la province où le taux d’analphabétisme est le plus haut et le taux de diplômés le plus bas, c’est cette province-là qui enregistre le moins de bulletins blancs et donc cela contredit l’hypothèse d’un manque de compétence des électeurs. Cela laisse supposer que c’est un choix délibéré, que les électeurs qui remettent un bulletin blanc expriment quelque chose. »
Rabat, une capitale sans site internet
Les membres de Tafra veulent rapprocher les citoyens de la chose politique. La collecte d’informations et les analyses qui en découlent sont mises en ligne. Ils espèrent pour ce scrutin 2021 avoir assez de « datas » (données massives chiffrées) pour faire des comparaisons entre échéances électorales et récupérer également de nouvelles données, notamment la liste des candidats (non publiée à ce jour par les différents partis). « Cela permet de savoir qui se présente pour la première fois ou qui a changé de parti politique, un phénomène courant au Maroc. »
Rapprocher les données électorales des données socio-économiques permet également de savoir qui est allé voter, pour qui et pourquoi. « Il est important pour les chercheurs et les décideurs d’avoir le plus d’informations factuelles possibles. Comment un parti politique peut-il répondre aux attentes des citoyens s’il ne sait pas pourquoi il a gagné ou perdu dans telle ou telle circonscription ? »
Autre projet porté par le centre Tafra, « Smiig Data » (pour « seuil minimal d’informations institutionnelles garanti »), coordonné par Sara Mejdoubi pour recenser les sites internet des communes marocaines de plus de 50 000 habitants. « À ce jour, c’est le cas pour seulement 41 % d’entre elles. »
Le projet vise à appuyer les équipes municipales pour qu’elles se dotent de cette interface ou l’améliorent afin de partager avec leurs administrés des informations utiles à la vie citoyenne : les dépenses publiques, les délibérations des conseils communaux…
« C’est nécessaire pour pouvoir demander des comptes aux pouvoirs publics. » Et il reste du chemin à parcourir… Dans le podium des villes avec les sites les plus aboutis sur le plan citoyen figurent deux communes de taille modeste du sud du Maroc, alors que les grandes métropoles sont à la traîne. « Le plus flagrant, c’est Rabat, notre capitale, qui n’a pas de site internet ! »