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Nonuplés maliens nés au Maroc: un défi inédit pour les soignants

De Tombouctou à Casablanca, en passant par Bamako, plusieurs médecins se sont mobilisés pour donner à Halima Cissé ainsi qu’à ses bébés toutes ses chances de survie. Cette Malienne de 26 ans a donné naissance à des nonuplés le 4 mai dernier. Retour sur une grossesse et un accouchement uniques au monde à ce jour.

De notre envoyée spéciale à Casablanca,

Sur son téléphone portable, le Dr Yazid Mourad conserve la vidéo de ce matin du mardi 4 mai, une césarienne dont il se souviendra toute sa vie. Une intervention au son de la voix de la chanteuse libanaise Elissa. « Je mets toujours de la musique quand j’opère. La seule chose que j’ai regrettée, c’est de pas avoir mis de la musique malienne. »

Retour sur un accouchement unique

Ce matin-là, le bloc est plein. Aux côtés du Dr Mourad, du renfort pour prendre en charge l’inévitable hémorragie du post-partum qui attend Halima Cissé avec un utérus aussi distendu. Et une équipe de 19 puéricultrices et trois pédiatres qui se préparent à accueillir sept grands prématurés pour ce qui s’annonce déjà comme un accouchement hors norme à 30 semaines de grossesse.

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Sept… C’est l’estimation faite au vu des différents examens au cours de la grossesse. Mais au moment de la délivrance, après avoir sorti sept bébés, le gynécologue-obstétricien découvre deux nouveau-nés supplémentaires. « Ça a été un choc. »

Halima Cissé, étudiante de Tombouctou, portait donc des nonuplés : cinq filles, quatre garçons. Quand le ministère malien de la Santé à Bamako en fait l’annonce le lendemain, c’est donc une première mondiale. Auparavant, le record était détenu par une Américaine, qui avait huit bébés issus d’une fécondation in vitro.

Sauf que Halima Cissé et son époux, Abdelkader Arby, n’ont pas cherché la performance. Cette grossesse multiple, quand ils en découvrent l’ampleur lors d’une échographie pratiquée par le Dr Seydou Sogoba à l’hôpital régional de Tombouctou, est une surprise. Pas de fécondation in vitro ici.

Halima Cissé quitte tous les jours sa chambre à la maternité pour aller voir ses nonuplés au service de réanimation néonatale. «Une patiente incroyable, calme et confiante», disent tous les soignants qui l'ont accompagnée.
Halima Cissé quitte tous les jours sa chambre à la maternité pour aller voir ses nonuplés au service de réanimation néonatale. «Une patiente incroyable, calme et confiante», disent tous les soignants qui l’ont accompagnée. © RFI/Amélie Tulet

Le couple a déjà une fille, âgée aujourd’hui de deux ans et demi. Ils souhaitent un second enfant. « Quand on m’annonce qu’il y a plusieurs bébés, peut-être six au moins, c’était totalement inattendu, raconte Abdelkader Arby, sur un ton toujours très mesuré. Avec les médecins et la famille, nous avons organisé le transfert vers Bamako. »

► À lire aussi : Nonuplés maliens nés au Maroc: de Tombouctou à Casablanca, récit d’une épopée médicale

Récit d’une coopération médicale réussie

Halima Cissé est prise en charge par le Pr Tiounkani Thera et le Dr Drissa Diara à la maternité du CHU du Point G, dans la capitale malienne. Le ministère de la Santé est alerté et vient aussitôt constater la situation. Très vite, l’équipe médicale, les autorités, la famille se rendent à l’évidence : pour donner toutes leurs chances de survie à Halima Cissé et à ses bébés, il faut quitter le pays. Aucun établissement au Mali n’a les moyens matériels d’accueillir autant de très grands prématurés à la fois.

Au Maroc, le Pr Alaoui, directeur de la clinique privée Aïn Borja de Casablanca, que le Pr Thera a eu l’occasion de visiter, est le premier à répondre positivement à la demande de prise en charge de Halima Cissé. Fin mars, elle est à six mois de grossesse quand elle arrive au Maroc aux frais de l’État malien qui, depuis, couvre intégralement le coût de l’hospitalisation.

Le Dr Yazid Mourad : « Ce que je voulais, c’est qu’elle tienne jusqu’au matin »

À Casablanca, l’équipe de la clinique est face à un défi. Si la naissance arrive trop tôt, les bébés sont en péril, car ils naîtront trop petits. Mais attendre trop longtemps, c’est mettre en danger la vie de la mère. Le gynécologue-obstétricien, le Dr Mourad, se fixe comme objectif de tenir cinq semaines pour atteindre 30 semaines de grossesse. Pour cela, il combine plusieurs protocoles médicamenteux. « La pression sur le Dr Mourad était énorme, il a géré cela de manière exemplaire », raconte le pédiatre, le Dr Khalid Mseif.

La veille du 4 mai, le Dr Yazid Mourad sait qu’il ne faut plus attendre. « J’ai stressé toute la nuit à l’idée qu’on m’appelle. Ce que je voulais, c’est qu’elle tienne jusqu’au matin. » Le matin du 4 mai, dans le bloc, tout est prêt. « On avait eu le temps de se préparer, tout était là pour pallier les premiers besoins des bébés, les premières complications », explique le Dr Mseif.

Le Dr Yazid Mourad est le gynécologue-obstétricien qui a pratiqué la césarienne du 4 mai. « Ça a été un choc », dit-il, de découvrir deux bébés supplémentaires de 500 g chacun alors que l'équipe médicale se préparait à en accueillir sept.
Le Dr Yazid Mourad est le gynécologue-obstétricien qui a pratiqué la césarienne du 4 mai. « Ça a été un choc », dit-il, de découvrir deux bébés supplémentaires de 500 g chacun alors que l’équipe médicale se préparait à en accueillir sept. © RFI/Amélie Tulet

Sur la vidéo de ce jour-là, on voit le Dr Mourad sortir prestement de tout petits bébés, un par un, aussitôt enveloppés et emmenés par une soignante. En trente minutes, tous les bébés sont massés, réanimés, oxygénés, sous perfusion et dans des couveuses chauffées au service de réanimation néonatale. Ensuite, « c’est le stress, parfois le stress extrême », reconnaît le Dr Mseif. Pour des bébés avec des poids allant de 500 à 1 100 g à la naissance, « c’est au jour le jour » avec des complications parfois très graves. « Il y en a un, je m’en souviendrai toujours, raconte le pédiatre. D’un coup, son état s’est détérioré, une complication au niveau des poumons. J’étais à côté. Il fallait intervenir tout de suite. Sinon on le perdait. »

Ce sont des bébés qui nécessitent beaucoup d’attention et de tendresse.

Une équipe d’infirmières s’occupe des bébés 24h/24 depuis le premier jour

Pour nous l’enjeu, c’était qu’ils réussissent à vivre sans séquelles.

Entretien avec le Dr Khalid Mseif, pédiatre de la clinique privée Aïn Borja, mobilisé dès le premier jour pour donner toutes leurs chances à ces bébés

Une tension aiguë que raconte aussi l’infirmière major du service qui prend en charge les nonuplés à temps plein depuis le premier jour. « Neuf bébés en même temps, avec des poids si bas à la naissance, c’est difficile, critique. Maintenant, grâce à Dieu, ça va, on est moins stressées. Toutes les trois heures, on les change, on les nourrit et on surveille leur température et leur tension. Ils sont stables. On attend seulement Hawa. » La petite Hawa, bébé plume à la naissance, 500 g, toujours sous oxygène trois mois après, avec une sonde pour l’alimenter afin qu’elle ne perde pas de force en tétant. Ses frères et sœurs tètent maintenant seuls leur biberon. Un critère essentiel pour envisager une sortie de la clinique. Presque tous dépassent maintenant les 2,5 kg. Le plus « lourd » pèse 3,6 kg.

« On est très heureux, très fiers de ce qu’on a fait, emmener ces bébés jusque-là, c’est vraiment une très bonne chose », dit, ému, le Dr Mseif. « Pour nous, l’enjeu était de les maintenir en vie, mais surtout qu’ils vivent sans séquelle. Et pour l’instant, tous les examens neurologiques sont bons. » En se tournant vers les parents, il ajoute : « Bravo à vous, et du courage. Il va vous falloir de l’aide, vous allez avoir besoin d’aide. »

Le Dr Khalid Mseif ausculte un des neuf bébés de Halima Cissé et Abdelkader Arby. « On est très fiers d'avoir amené ses bébés jusqu'ici, on est très heureux », dit le pédiatre.
Le Dr Khalid Mseif ausculte un des neuf bébés de Halima Cissé et Abdelkader Arby. « On est très fiers d’avoir amené ses bébés jusqu’ici, on est très heureux », dit le pédiatre. © RFI/Amélie Tulet

Comment expliquer une telle grossesse ? « On manque de recul, répond le Dr Mourad. Même mes collègues marocains m’ont demandé si c’était vrai. Mais si c’est une chose à vivre pour un gynécologue, de telles grossesses ne sont pas souhaitables du point de vue du médecin, car elles sont dangereuses pour la mère et les bébés. Il faut que cela reste rarissime. »

Quelle sera la prochaine étape pour les nonuplés et leurs parents ? Au moins la première année, il leur faudra vivre à proximité d’un centre de santé en mesure d’assurer le suivi du développement des bébés.

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