La Cour de cassation a rejeté, ce mercredi 28 juillet 2021, le recours déposé par Teodorin Obiang. Le fils du président équato-guinéen contestait sa condamnation en France pour détournement de fonds publics dans son pays. Sa défense estimait que la justice française n’avait pas à se prononcer sur des délits commis à l’étranger, mais la Cour de cassation en a donc décidé autrement.
La plus haute juridiction française a estimé que la décision rendue par les juges était bien conforme à la loi. La justice française pouvait donc se prononcer sur ces détournements d’argent même s’ils ont eu lieu à l’étranger. Concrètement, cela signifie que la condamnation en appel de Teodorin Obiang est confirmée : il devra donc s’acquitter d’une amende de 30 millions d’euros et sera condamné à trois ans de prison avec sursis pour blanchiment d’abus de biens sociaux et de détournement d’argent public.
« Cette bataille judiciaire dure depuis 14 ans, et c’est formidable que cela aboutisse enfin, s’enthousiasme Tutu Alicante, directeur de l’ONG équato-guinéenne de défense des droits humains EG Justice, qui vit en exil. C’est formidable d’avoir obtenu la victoire, pour tous ceux qui luttent contre la corruption, pour tous ceux qui luttent depuis la Guinée équatoriale et depuis d’autres pays aux régimes autoritaires et de voir nos kleptocrates rendre des comptes. »
Pour Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer « flux financiers illicites » à Transparency international, partie civile dans cette affaire cette décision devrait faire jurisprudence dans les autres affaires de biens mal acquis. « C’est une victoire emblématique et une décision historique, souligne-t-elle. On a enfin une décision définitive. Ca veut dire que le procès dans l’affaire Obiang s’arrête ici. Et c’est extrêmement important. C’est une avancée, c’est historique. Les voies de recours en France sont épuisées et le recours devant la CEDH n’aura pas d’impact sur la décision. Elle est définitive en France, donc cela veut dire qu’on peut ouvrir un autre chapitre, celui de la restitution. »
Restitution
Selon lui, le fait que ce jugement ait été rendu en France est seulement lié aux défaillances du système judiciaire guinée. « Malheureusement pour nous, il n’y a pas de système judiciaire dans notre pays pour cela. Donc nous sommes vraiment enchantés de voir que le système judiciaire français a tenu bon et reconnaisse la culpabilité de Teodorin Obiang. »
Par ailleurs, la Guinée équatoriale pourrait devenir le premier pays à bénéficier du nouveau mécanisme de restitution des avoirs des biens mal acquis. La semaine dernière, les députés français ont adopté ce dispositif qui permet de rendre aux populations les recettes des biens confisquées. Dans le cas de Teodorin Obiang, son patrimoine -estimé à 150 millions d’euros- va être vendu aux enchères et l’argent récolté utilisé pour des actions de développement en Guinée équatoriale.
Très simplement, explique Sara Brimbeuf, « lorsque les avoirs d’Obiang seront vendus, ils seront placés sur une ligne budgétaire pilotée par le ministère des Affaires étrangères, et ensuite, cet argent sera affecté à des projets d’aide au développement en Guinée équatoriale. Ils transiteront soit par des ONG internationales ou locales, qui candidateront dans le cadre d’appels à projets. Ou soit cet argent pourra transiter via l’Agence française de développement. Et nous, nous allons militer pour que ces appels à projets soient les plus transparents, les plus impartiaux possibles. 150 millions d’euros, c’est une somme qui est énorme, d’autant plus pour un pays comme la Guinée équatoriale, où la moitié de la population vit avec moins de deux euros par jour.»
Tutu Alicante espère que l’argent pourra être restitué au pays, alors que les ¾ de la population vit sous le seuil de pauvreté. « C’est un grand jour ! La plupart des gens en Guinée équatoriale sont habitués à voir Teodorin étaler sa richesse sur Instagram et Tik Tok. Donc c’est une victoire de la justice, mais aussi un espoir social de savoir que peut être 150 millions de dollars pourront être utilisés pour le développement du pays. »
D’autres affaires en cours
En dehors de l’affaire Obiang – la seule à avoir abouti à une condamnation – l’affaire la plus emblématique du continent africain est celle ayant trait à la famille du président congolais, Denis Sassou Nguesso. Pour l’heure la justice française a mis en examen la fille, le gendre et le neveu du président, ils sont soupçonnés de « blanchiment de détournement de fonds publics ». Les magistrats ont déjà fait saisir plusieurs propriétés du clan Nguesso, une dizaine de voitures de luxe ainsi qu’un gigantesque hôtel particulier avec sept pièces et piscine intérieure. La procédure est toujours en cours.
Autre affaire bien connue, celle qui concerne la famille d’Omar Bongo, l’ex dirigeant gabonais. Aucun proche du clan Bongo n’a été poursuivi au cours de la procédure, mais une banque française, la BNP, a récemment été mise en examen pour « blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics » suite à l’enquête sur le patrimoine français de la famille du défunt président.
Enfin, selon Transparency Internationnal, d’autres pays comme Djibouti, l’Egypte ou encore la Tunisie sont dans la viseur de la justice. En tout, ce sont une vingtaine de pays dans le monde qui sont concernés par ces enquêtes de la justice française.
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