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Les chancelleries enjoignent la Tunisie à éviter «la violence»

En Tunisie, 36 heures après du limogeage de son Premier ministre et de la suspension du Parlement, le président Kaïs Saïed a annoncé lundi 26 juillet le limogeage du ministre de la Défense. La démarche présidentielle reçoit des soutiens appuyés dans la classe politique. Ennahdha dénonce toujours de son côté « un coup d’État » et la communauté internationale s’inquiète d’une possible dérive autoritaire.

Avec notre correspondante à Tunis, Lilia Blaise

Après les scènes de liesses dans les rues du pays dimanche soir, de nombreux poids lourds de la politique tunisienne ont apporté leur soutien à la démarche présidentielle ce lundi.

Dans la soirée, le désormais ex-Premier ministre Hichem Mechichi, soutenu par le parti majoritaire au Parlement Ennahdha, a déclaré : « Je m’engage à assurer la passation pacifique de pouvoir comme l’exigent les coutumes de la vie politique en Tunisie. »

La légitimité constitutionnelle des mesures prises questionnée

Mais aujourd’hui, après avoir limogé trois ministres (Intérieur, Justice et Défense), Kaïs Saïed doit faire face aux interrogations sur la légitimité constitutionnelle de ses décisions même s’il a déclaré ne pas être un putschiste et que le dialogue continue après avoir rencontré partenaires sociaux et société civile mardi. Il doit de plus nommer un successeur à Hichem Mechichi et assurer aussi que le pays ne s’embrase pas face à ce changement de pouvoir et les mesures d’exceptions qu’il doit promulguer. L’article 80 de la Constitution ne dit rien sur la limite de ces mesures mais il stipule que le président aurait dû consulter avec le chef du Parlement Rached Ghannouchi et celui du gouvernement. Le premier, également leader du parti islamo-conservateur Ennahdha, conteste avoir été averti et tenait encore jusqu’à mardi soir à tenir séance comme d’habitude.

À écouter aussi« Les Tunisiens éprouvent du soulagement mais la situation actuelle ne peut pas durer » (Souhayr Belhassen invitée Afrique de RFI)

Le principal syndicat du pays, l’Union générale des travailleurs tunisiens a de son côté appuyé ces mesures tout en demandant à Kaïs Saïed des garanties constitutionnelles.

L’un des parti de la coalition majoritaire au Parlement, pourtant opposé au président en exercice, Tahya Tounes, a déclaré se ranger aux côtés des revendications du peuple tunisien, en appelant, là encore au respect des acquis démocratiques.

Enfin, si le parti Ennahdha conteste les mesures de Kaïs Saïed et que des affrontements ont lieu entre ses partisans et les défenseurs des mesures du chef de l’État, dans l’ensemble, les militants du parti islamiste sont plutôt restés discret depuis les annonces présidentielles, et ce alors qu’ils ont remporté toutes les élections législatives depuis 2011. Comment expliquer ce faible soutien populaire ? « En 2011, Ennahdha avait gagné avec 1,5 million de vois, en 2014 avec 1 million, en 2019 avec 0,5 million de voix. Donc sur neuf ans, elle a perdu les deux tiers de son électorat. Et là, depuis 2019, elle a perdu le reste. Pour quelles raisons ? Parce qu’elle n’a réalisé aucun projet pour la Tunisie, aucun. Elle n’a résolu ni les problèmes du chômage, ni relancé la croissance économique. Donc il y a un ressentiment très fort des Tunisiens contre Ennahdha », analyse le sociologue tunisien Mohammed Kerrou.

Les manifestations ont duré jusqu’au couvre-feu hier lundi devant le Parlement, opposants et soutiens du président prennent la parole

à Tunis heurts entre partisans des deux bords

Les réactions internationales se sont multipliées dans la journée. Anthony Blinken, le secrétaire d’État américain a appelé Kaïs Saïed pour « l’exhorter à respecter la démocratie ». Le chef de la diplomatie américaine l’a incité à « maintenir un dialogue ouvert avec tous les acteurs politiques et le peuple tunisien ». Antony Blinken a également promis le soutien américain à l’économie tunisienne et à la lutte contre le Covid-19, un élément clé dans les manifestations qui ont éclaté dans le pays et conduit le chef de l’État à suspendre les travaux du Parlement.

Plus tôt, Washington avait appelé « toutes les parties » impliquées dans la crise politique en Tunisie à « éviter toute action qui pourrait (…) mener à la violence », pour ne pas « dilapider » les fragiles progrès de la toute jeune démocratie, selon un communiqué du département d’État. Le département d’État s’était dit « particulièrement troublé » en ce qui concerne la situation des médias en Tunisie, après la fermeture sans explications ni base légale du bureau de la chaîne qatarie Al-Jazeera à Tunis. Encore avant ce lundi, la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki avait appelé au respect des « principes démocratiques » dans le pays. Mais elle n’avait pas fait de commentaire sur une qualification éventuelle de « coup d’État ».

En France, la porte-parole des Affaires étrangères a appelé « l’ensemble des forces politiques à éviter toute forme de violence et à préserver les acquis démocratiques ». La France « souhaite le respect de l’État de droit et le retour, dans les meilleurs délais, à un fonctionnement normal des institutions, qui doivent pouvoir se concentrer sur la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale ».

L’Union européenne a appelé au « respect de la Constitution, des institutions et de l’État de droit » et à « éviter le recours à la violence ». En Allemagne, le ministère des Affaires étrangères s’est déclaré « très inquiet ». « Il est maintenant important de revenir à l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible. » Les événements « constituent un grand défi pour la Tunisie » et démontrent « l’urgence de s’attaquer maintenant aux réformes politiques et économiques ».

En Russie, le porte-parole du Kremlin a espéré que « rien ne menacera la stabilité et la sécurité des citoyens ».

Enfin, toujours dans le même registre, l’ONU a recommandé à toutes les parties en Tunisie à faire preuve de retenue, à s’abstenir de toute violence et à garantir le calme.

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