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SÉCURITÉ

Éthiopie: les forces tigréennes reprennent Mekele et plusieurs villes clés

Le Tigré est en train de repasser sous le contrôle du TPLF, l’ancien pouvoir de cette province du Nord du pays, théâtre d’une guerre depuis novembre. Depuis vendredi, les rebelles des TDF, bras armé de l’ex-pouvoir provincial ont lancé une attaque et le mouvement a gagné du terrain, reprenant plusieurs villes clés de la province.

La capitale régionale est désormais sous contrôle des TDF. L’approche des rebelles avait créé un vent de panique à Mekele. L’administration intérimaire avait quitté les lieux juste avant, tout comme les troupes fédérales qui, selon des témoins, ont commis des vols, notamment de matériel des organisations humanitaires.

Pour le reste, les informations restent parcellaires, car les communications sont coupées avec le Tigré. Néanmoins, plusieurs sources parlent d’une poussée rebelle vers le sud, avec une reprise des localités de Mehoni et Maychew, sur la route qui mène à Alamata, une zone conquise dès le début de la guerre par les milices amharas de la région voisine, puisque c’est un territoire contesté par les deux côtés.

Divers interlocuteurs décrivent également une avancée des TDF au nord de Mekele, avec notamment une reprise de la ville de Shire, confirmée par une source diplomatique, où des milliers d’habitants chassés de l’ouest du Tigré s’entassent dans les camps de déplacés. Plusieurs sources affirment aussi qu’Adoua et Aksoum sont également revenues dans le giron des TDF, qui ne semblent pas vouloir s’arrêter là.

« Nous ferons tout ce nous pourrons pour sécuriser le Tigré »

En effet, ces prises symboliques ne sonnent pas pour autant la fin des combats. Bien au contraire selon un porte-parole des forces tigréennes. Son objectif premier est d’affaiblir les capacités militaires de ses adversaires directs, a-t-il assuré. « Nous ferons tout ce nous pourrons pour sécuriser le Tigré. Si marcher sur Asmara et Addis Abeba est nécessaire, nous le ferons », a déclaré mardi soir Getachew Reda, ajoutant que « toutes les options étaient sur la table ».

Les rebelles n’excluent donc pas, non seulement de reconquérir les territoires annexés par les milices Amharas de la région voisine, mais également d’entrer en territoire érythréen ou de descendre vers la capitale éthiopienne, au cœur du pouvoir fédéral.

Les leaders Amharas ont déjà déclaré qu’ils ne se laisseraient pas reprendre les zones conquises. Beaucoup craignent donc une poursuite des violences. Les rebelles ont d’ailleurs annoncé qu’ils poursuivraient des opérations de ratissage autour de Mekele pendant 48h.

Premièrement, l’objectif immédiat est de libérer l’ensemble du territoire tigréen. Deuxièmement, d’obtenir des garanties que l’armée éthiopienne, érythréenne ou les milices amharas ne menaceront plus jamais la sécurité et la stabilité du Tigré. Et puis aussi toutes sortes de mécanismes d’identification des responsabilités et de réparations, des mesures techniques en quelque sorte… Quant à l’objectif politique, il est clair que la « guerre de résistance » qui a démarré en novembre s’est transformée en guerre d’indépendance. Il n’y a pas de doute à ce sujet.

Kjetil Tronvoll, chercheur à l’université de Bjorkness à Oslo

Dans plusieurs localités reconquises, et notamment Mekele, des habitants ont célébré l’arrivée rebelle avec des manifestations de joie et même des feux d’artifice. Il faut dire que l’attaque lancée vendredi à cinq heures du matin a été fulgurante. Une opération baptisée Alula, du nom de Ras Alula Aba Nega, un général et homme politique tigréen du XIXe siècle.

On savait qu’une contre-attaque se préparait. Après les défaites du début, l’ancien pouvoir et ses troupes s’étaient repliés dans les campagnes et les montagnes pour préparer une reconquête. Ils ont également bénéficié du soutien d’au moins une partie de la population et de Tigréens qui ont décidé de rejoindre la lutte armée.

Un cessez-le-feu

Dans le même temps, les autorités fédérales éthiopiennes ont annoncé avoir déclaré un cessez-le-feu unilatéral, lundi 28 juin, alors même que les rebelles tigréens reprenaient la capitale Mekele et que leur commandement, pour sa part, n’a pas évoqué de suspension des combats. C’est sous la signature du « gouvernement de l’État national du Tigré » que la rébellion de l’ancien TPLF a célébré la prise de la capitale régionale Mekele, lundi soir. « Les Forces de défense du Tigré et le gouvernement légalement élu du Tigré sont de retour à leur place légitime », affirme son communiqué de victoire. Mais aucune mention n’est faite du cessez-le-feu décrété par Addis-Abeba. Au contraire, la rébellion dit « poursuivre » les « forces d’invasion » et parle d’opérations de « nettoyage ».

Du côté d’Addis-Abeba, la communication s’est faite en deux temps. D’abord, l’agence de presse officielle a relayé une « demande » de « cessez-le-feu humanitaire » formulée par le chef de l’administration pro-gouvernementale du Tigré, Abraham Belay, à l’approche de la saison des labours. Et cette demande a été aussitôt suivie par une dépêche annonçant une « acceptation » de ce cessez-le-feu unilatéral par les autorités fédérales, citant les difficultés liées au Covid-19, aux criquets pèlerins et aux déplacements de populations dues aux opérations militaires. Mais ce mardi, c’est le silence qui prévaut à ce stade.

Autre acteur impliqué dans ce conflit au Tigré, le gouvernement érythréen n’a pas formellement réagi aux derniers événements. Le ministre érythréen de l’Information, Yemane Ghebremeskel, a simplement publié un tweet sibyllin, semblant dire que, pour l’Érythrée, la guerre contre l’ancien TPLF continuait, mais sans autre précision. En revanche, les Émirats arabes unis, qui ont été des alliés de l’Éthiopie au début du conflit, ont salué le cessez-le-feu et « souligné », ce qui est nouveau, « qu’une solution politique est le seul moyen de mettre fin au conflit dans le pays. »

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