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Analyse

La ruée vers l’or artisanal du Sahara et du Sahel (1)

Depuis le début des années 2000, on assiste à un fort développement de l'orpaillage, autrement dit l’exploitation artisanale de l’or, au Sahara et au Sahel. Regard sur cette situation, en deux volets, avec pour commencer un entretien avec le géographe Géraud Magrin qui dresse un état des lieux des ruées vers l'or qui ont enflammé cette partie de l'Afrique. 

Géraud Magrin est professeur de géographie à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et directeur de l'UMR Prodig (Pôle de recherche pour l'organisation et la diffusion de l'information géographique), spécialisé sur les activités extractives en Afrique et auteur d’articles parus dans Hérodote en 2019 sur les ruées vers l'or au Sahara Sahel et sur l’or en Mauritanie dans la revue l'Espace Politique en 2020. RFI : Géraud Magrin, l’Afrique connaît-elle une intensification de son exploitation aurifère ? Géraud Magrin : Depuis le début des années 2000, l’Afrique connaît une nouvelle intensification de l’exploitation de son or, mais ce n’est qu’une nouvelle page d’une histoire très ancienne. Depuis l'époque romaine, l'exploitation de l'or a été le support de construction politique importante en Afrique de l'Ouest notamment par le royaume du Mali.  Des provinces anciennes de cet empire, qu'on appelait le Bambouk et le Bourré, situées à la frontière de la Guinée et du Mali, ont été d’importantes zones de production d'or depuis le Moyen-Âge. Le pays Akan, entre le Ghana et la Côte d'Ivoire, le pays Lobi entre le Burkina et la Côte d'Ivoire ont aussi produit de l'or depuis extrêmement longtemps, comme la vallée du Nil l’a fait depuis l'Antiquité. Dans ces régions, l’exploitation a été plus ou moins intermittente. Il y a eu des moments où elle a été très intense et d’autres où elle l’était moins, en fonction de l'évolution politique et du contexte économique global. D'une manière générale, avec la découverte du Nouveau Monde par les Européens à la fin 15e siècle, l’or africain a perdu de son poids géopolitique au niveau international. Or, depuis le début des années 2000, on assiste à un nouveau développement de l'activité aurifère sur le continent. A la suite des encouragements institutionnels de la Banque Mondiale dans le cadre de plans d'ajustement structurel, des codes miniers ont été refaits pour rendre plus attractif l'investissement industriel dans l'or et dans la même temporalité, on a vu une intensification de l'exploitation artisanale de l'or. En parallèle, l'augmentation du prix de l'or au niveau international a joué un rôle important. Les cours de l'or ont commencé à augmenter progressivement au début des années 2000 et puis vers 2005-2006 cette hausse s'est accélérée. Elle ne s'est pas ralentie avec la crise économique de 2008-2009 qui a pourtant touché beaucoup de matières premières, car l'or est apparu à ce moment-là comme une valeur refuge. Les cours sont restés très élevés, ils ont un petit peu baissé en 2011-2012 et puis en 2017, mais ils sont repartis à la hausse en 2018 et maintenant ils sont à des niveaux historiques très élevés. L’once d’or en 2004 était à 400 dollars, en juillet 2019 elle était à 2000 dollars. Donc ce haut niveau du cours de l'or au niveau mondial est un élément contextuel important pour expliquer l'intensification de l'exploitation de l'or.
Plusieurs milliers de mineurs, venus de tout le Mali mais également des pays voisins, y cherchent de l’or en creusant des trous profonds dans le sol.
Plusieurs milliers de mineurs, venus de tout le Mali mais également des pays voisins, y cherchent de l’or en creusant des trous profonds dans le sol. RFI/David Baché
Peut-on parler de ruées vers l'or au Sahara et au Sahel ? Il y a des endroits où l'exploitation de l'or était connue depuis longtemps et ne s’est jamais vraiment arrêtée, même s’il y a eu des périodes où cela avait ralenti comme au Burkina Faso, au Mali, en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Ghana et dans le sud-est du Sénégal. Dans ces régions d’Afrique de l’Ouest, où il y avait une ancienne exploitation artisanale de l'or, celle-ci s'est intensifiée dans le contexte des années 2000. Donc on ne peut pas vraiment parler de ruée dans ce contexte-là, mais on a eu une augmentation parfois très importante avec l'apparition de nouveaux sites et l’arrivée de gens venus exploiter l'or. En revanche, on a davantage parlé de ruée vers l’or un peu plus au nord en Afrique sahélo-saharienne avec des déplacements massifs de populations venues exploiter l'or. Cela a commencé au Soudan vers 2008-2009, dans la vallée du Nil, entre le Soudan et l'Égypte, puis il y a eu des ruées vers l'or dans le Centre-Sud du Soudan et puis dans le Darfour. On a eu l'impression alors qu'il y avait une sorte de front non linéaire qui se déplaçait par zone géographique. Cela a commencé au Soudan, puis vers 2013 au Tibesti dans le nord du Tchad, à la frontière de la Libye, ensuite en 2014 au nord du Niger sur le plateau du Djado et dans le massif de l’Aïr. En 2016, on retrouve des ruées vers l'or dans le Tchad central vers le lac Fitri, en Mauritanie, entre Nouakchott et Nouadhibou et le long de la frontière avec le Sahara Occid...   

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