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«Au Sénégal, la lutte est un facteur de développement»

« Manga 2 », de son vrai nom Hyacinthe Ndiaye, est une figure de la lutte sénégalaise. Ancien champion, il a reçu le prestigieux titre de « roi des Arènes » en 1984. Il est aujourd’hui vice-président du CNG, le comité national de gestion de la lutte, chargé de la lutte traditionnelle sans frappe.

Au Sénégal, se tenait un combat entre deux stars de la lutte dimanche 4 avril : « Lac 2 » et « Eumeu Sène ». Un rendez-vous très attendu et très suivi qui marque la récente reprise de la saison de ce sport national, après une année blanche, à cause de la crise sanitaire. La lutte traditionnelle, avec ou sans frappe, est une discipline extrêmement populaire dans le pays. C’est aussi devenu un important enjeu économique. Entretien avec l’une de ses grandes figures, « Manga 2 ».

RFI :  Étiez-vous impatient de cette récente reprise des combats de lutte au Sénégal ?

Manga 2 : J’étais très impatient de cette reprise, parce qu’ici la lutte c’est le sport national, et à cause de la maladie, le Covid-19,  nous avons passé  un an sans compétition, c’était très difficile. Les jeunes lutteurs avaient tellement envie d’y retourner, et les amateurs avaient besoin de revoir de galas de lutte…. On a repris avec la lutte traditionnelle, et le succès a été total, les stades étaient archi-combles, on ne pouvait plus y mettre un pied ! Donc c’est satisfaisant. Parce qu’ici au Sénégal, la lutte est un facteur de développement. Dans les tournois, il peut y avoir plus d’une centaine de lutteurs, et finale, ils peuvent gagner de l’argent, en faire autre chose, faire vivre d’autres gens… Dans « la lutte avec frappe » les mises peuvent même monter jusqu’au 100 millions de francs CFA [plus de 150 000 euros, NDLR] pour une seul lutteur.

C’est donc un véritable enjeu économique ?

Oui, les gros cachets reviennent aux plus renommés, comme Mod’Lô, Balla Gaye 2, Gris Bordeaux, Lac 2… Mais devenir un champion de l’arène, ce n’est pas facile.

Comment ces surnoms sont-ils choisis ?

Mon nom a été choisi par les vieux du village. À mon époque, il y avait déjà un « Manga » qui était champion. Quand j’ai commencé, ils ont décidé de changer mon nom. Ils m’ont dit à présent tu vas t’appeler « Manga 2 » !  Ils ont fait des sacrifices pour me donner ce nom. Pour Balla Gaye 2, c’est une référence à Balla Gaye 1, qui était son entraîneur. Chacun a sa manière de choisir son super-nom à la lutte.

Avant un combat, et durant l’entraînement, il y a toute une préparation, des rituels, tout un aspect mystique… vous, « Manga 2 »,  comment vous prépariez-vous ?

C’est des croyances. Si j’avais un combat, la problématique mystique était prise très au sérieux. J’allais de village en villages, j’avais un marabout, il me disait par exemple : « en sortant de la maison tu vas croiser telle ou telle personne, ou une femme qui aura des jumeaux ou des jumelles ». Et là j’étais confiant, je savais que j’allais à la victoire. Quand j’ai commencé la lutte, on a eu recours à beaucoup de grigris, et j’ai continué par la suite. Je pense que j’ai obtenu le titre de « roi des arènes » car j’étais très confiant. Je pensais que j’étais mesure de terrasser toute personne se présentant face à moi. Beaucoup de lutteurs se préparent mystiquement. Mais pour certains, selon moi, leur « mysticisme » s’apparente simplement à du folklore…

Comment expliquez-vous que ce sport, traditionnel, reste aussi populaire auprès des jeunes générations, au Sénégal et l’extérieur ?

C’est normal, c’est le sport national ! Les Sénégalais aiment la lutte, et chaque génération a son champion, avec un style, une vivacité, où une tradition qui a un peu changé… Aujourd’hui les sponsors ont un peu fait dévier la tradition, en faisant porter aux lutteurs des survêtements par exemple, alors que nous avions les tenues traditionnelles. C’est le côté marketing de la lutte, mais sans sponsor on ne peut atteindre des cachets de l’ordre de 50, 80, 100 millions de francs CFA !

Quels sont vos priorités dans vos nouvelles fonctions ?

Mon objectif, c’est de développer la lutte traditionnelle « sans frappe », et d’assurer sa promotion à l’extérieur. Il faudra renouer avec la culture de la lutte, revenir « à la base » avec ces jeunes, parce que la lutte « avec frappe » est plus « méchante », je dois dire… Il y a aussi plus d’argent en jeu.

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