Le 29 mars de 1947 dans l’est de Madagascar, des groupes d’insurgés prennent les armes et se révoltent contre les colons français. S’ensuit une répression sanglante de l’armée française. Des portraits de héros nationalistes du photographe malgache Pierrot Men et le film Tabataba sont projetés au Musée de la Photo pour commémorer l’événement.
Dans la salle de projection, les visages, les membres marqués d’hommes et de femmes défilent et témoignent de leur passé d’insurgés. Une page de l’histoire de la Grande Île souvent peu connue dans le détail par la population et les jeunes en particulier.
« Mars 1947 pour moi, c’est encore un mystère, confie Stéphane, 21 ans, un des visiteurs. Je viens juste de m’instruire sur tout ce qui s’était passé. C’est une date marquante de l’histoire, ça, tout le monde le sait. Quand on dit 29 mars, on pense juste à la violence, une grande violence, mais on ne se pose pas de question sur les différences d’idées des gens de la ville et des gens de la campagne. »
Stratégies divergentes
Des divergences de stratégies pour se libérer de la colonisation que raconte, un étage plus bas, le film de Raymond Rajaonarivelo, Tabataba, « bruit » en français.
« Il y a le parti MDRM (Mouvement démocratique de la rénovation malgache) qui est pour une indépendance discutée, donc sans arme, explique Tsiory Randriamanantena, historien et directeur du Musée de la Photo. S’ensuit une deuxième lutte qui va être la lutte armée. On voit ces deux approches qui sont totalement différentes et qui sont aujourd’hui confondues parce que lorsque l’on dit « mouvement de 1947 », on parle aussi du MDRM qui n’a en fait rien avoir avec l’insurrection proprement dite, donc la lutte armée. Le parti a été accusé à tort d’être l’instigateur de ce mouvement. Toutes les archives sont ouvertes concernant 1947. Toutes les choses sont dites, mais elles ne sont pas forcément comprises. »
« Par exemple, précise historien, l’objectif même de ces insurgés, parce que l’insurrection était surtout une réponse par rapport aux colons qui spoliaient les terres dans la partie est de Madagascar, d’où le fort mouvement dans cette partie-là, ce sont des choses qui ne sont pas forcément comprises aujourd’hui. À un certain moment de l’histoire de Madagascar, l’événement de 1947 a été en quelque sorte réécrit. Pendant la Première République on héroïsait les membres du parti MDRM qui n’avait rien à avoir avec l’insurrection et puis pendant la Deuxième République, le président Didier Ratsiraka avait héroïsé les combattants dans un but d’instaurer une espèce de nationalisme à Madagascar. Pour nous, l’objectif, c’est aussi de faire un travail de mémoire et de rendre hommage à ces gens qui ont combattu pour Madagascar. »
Souvent considérée comme le début d’un long processus de décolonisation en Afrique francophone, cette insurrection, réprimée dans le sang par les Français, a fait près de 100 000 morts.