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SÉCURITÉ

Malgré la révolution, le Darfour est toujours en crise

La révolution soudanaise n’a pas changé la donne au Darfour. Cette région dans l’ouest du Soudan a été en proie à une guerre civile depuis 2003. Les experts parlent de plus de 300 000 morts. L’ancien président déchu Omar el-Béchir, détenu à Khartoum depuis sa chute en 2019, est accusé de crimes de guerre et génocide par la Cour pénale internationale. Un pouvoir de transition est en place, mais la région reste très instable.

De notre envoyé spécial au Darfour

L’une des principales fractures d’aujourd’hui au Darfour, c’est la fracture ethnique. Depuis les années 1970, des tribus arabes sont arrivées dans cette région suite notamment à des sécheresses à répétition. Ce mouvement de population a entraîné une pression sur les ressources et des conflits tribaux. Puis en 2003, le pouvoir d’Omar el-Béchir s’est justement appuyé sur ces Arabes pour s’en prendre aux populations darfouries d’origine. Il s’est ensuivi une guerre sanglante qui vaut au président d’être accusé de génocide et crimes de guerre.

Aujourd’hui encore, la tension est vive, notamment entre cultivateurs et Arabes nomades. Les premiers reprochant aux seconds d’envahir leur terre. Il y a quelques jours à peine des centaines de membres du clan Berti ont manifesté devant la ville d’El Fasher.  Abdelaziz Shumo Abderahman, l’un des protestataires, explique que « des Arabes nomades ont fait manger leurs chameaux dans une ferme privée. Le cultivateur est venu pour les faire partir et ils l’ont poignardé. Après le meurtre, ils ont laissé leurs animaux et ils ont fui. L’État jusqu’à maintenant essaie de reprendre le criminel. Pour l’instant, on est en négociation. »

Villages attaqués

Outre ce conflit pour les ressources, le Darfour connaît toujours des violences comme au temps de la guerre civile. Des villages sont régulièrement attaqués. Les habitants de nombreuses localités sont ciblés et fuient leurs maisons. Chaque fois, ils accusent les Janjawids, ces milices arabes utilisées par Omar el-Béchir pour perpétrer le génocide. Le 19 janvier, le village de Fallouja a été attaqué. Ses habitants ont fui. Hamad Tijane Abdelkader, l’un des rescapés, raconte avoir vu « les Janjawids avec des véhicules, des armes, des chameaux, des chevaux. Ils ont attaqué le village, moi-même je me suis caché dans un trou que j’ai creusé dans le sol. Je suis resté deux jours dedans. J’ai compté plus de 15 morts. Après être sorti, vers 5h du matin, je me suis sauvé. Il n’y a pas de paix, le gouvernement autorise ces gens qui tuent à droite à gauche. »

La paix dont il parle, c’est celle qui a été signée en août 2020 avec des rebelles Darfouris. Une paix en trompe-l’œil. Les mouvements armés ayant signé n’étaient pas les plus puissants et ne contrôlaient pas vraiment de territoire. Ensuite, les violences notamment à caractère tribal, continuent. Beaucoup de Darfouris estiment donc que rien n’a changé pour eux.

Départ de la Minuad

La situation sécuritaire est d’autant plus fragile que la Minuad, la Mission des Nations unies au Darfour a terminé son mandat fin décembre. Ses 15 000 casques bleus n’interviennent plus et sont en train de partir. Ils sont remplacés par la Minuats, une mission onusienne qui n’a pas de soldat. Pour Daher, un habitant d’El Fasher, cette décision est une grave erreur : « C’était vraiment le mauvais moment pour retirer ces casques bleus. Les démunis n’ont plus de protection. Les déplacés ne peuvent pas rentrer chez eux. On a eu un génocide au Rwanda, et on va en avoir un au Darfour, vous verrez. Le gouvernement ne peut pas assurer la sécurité lui-même. Il a trop de conflits internes. »

Pourtant ce sont bien les Soudanais qui sont maintenant censés remplacer la Minuad par une force nationale de 12 000 hommes, composée de 6 000 anciens rebelles et de 6 000 soldats gouvernementaux. Or pour l’instant, elle n’existe que sur le papier. À chaque incident, le pouvoir déploie des troupes mais après coup et elles restent généralement quelques jours avant de partir. La démobilisation des ex-groupes armés a d’ailleurs à peine commencé, donc cette force n’est pas prête de voir le jour.

Crise économique

Ensuite, à la crise sécuritaire s’ajoute la crise économique. Comme ailleurs au Soudan, le Darfour subit une terrible inflation qui plombe le quotidien. Hussein Ahmad Djibril, un boulanger d’El Fasher explique qu’en un an « les prix ont doublé. L’inflation se retrouve dans tous les ingrédients. Ça veut dire qu’on doit vendre plus cher. On n’augmente pas par plaisir. Il y a des familles de 10 enfants pour qui le pain est devenu inaccessible. Ils ne mangent plus qu’un repas par jour. »

On voit donc aujourd’hui que malgré la fin de la dictature, la paix signée avec les rebelles, le Darfour nage encore en pleine crise. Un nouveau gouvernement vient d’être nommé mais on se demande ce qu’il pourra faire vue l’ampleur de la tâche.

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