Ce devait être le baroud d’honneur du Sénat à Madagascar, hier, lundi 18 janvier. Il n’en a rien été. À la veille de la fin de leur mandat, les sénateurs ont présenté quatre rapports d’enquêtes parlementaires. Des enquêtes, lancées fin novembre, portant sur des thématiques très diverses : l’importation illégale d’armes de guerre sur l’île, les anomalies dans les listes électorales, la grande évasion de la prison de Farafangana en août dernier, mais aussi la gestion des fonds Covid-19.
De notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Si des révélations étaient attendues, les rapports se sont contentés de souligner un manque de transparence de l’administration malgache dans ces affaires, déjà maintes fois pointées du doigt par la société civile et les médias sans apporter de nouveaux éléments.
Ils voulaient apporter plus de transparence et d’éclaircissements sur certains dossiers chauds de ces deux années passées sous le régime d’un président de la république issu d’une autre couleur politique que la leur, montrer qu’ils remplissaient leur rôle de contrôle de l’action du gouvernement et terminer, disaient-ils, « leur mandat en beauté ».
Des enquêtes limitées
Les sénateurs n’ont pas franchement réussi leur coup. Leurs rapports d’enquête se limitent à souligner des anomalies, incohérences, et opacités qui ont déjà été mis en exergue par le passé, par d’autres entités que la leur.
Jean-Rémy Rafidiarison, président de la commission d’enquête sur la gestion des fonds Covid, se défend : « Nous, on a voulu faire l’enquête Madame ! Mais ce n’est pas de notre faute, puisque les personnalités, les ministres, les directeurs généraux concernés n’ont pas répondu à nos convocations pour être auditionnés. (NDLR : Les ministres des Finances, de l’Intérieur, de l’Eau, de la Population, de la Communication, ainsi que le Maire et le Préfet de la capitale ainsi que le coordonnateur général du Centre Opérationnel de Commandement Covid-19 ne se sont pas présentés à leur convocation, affirme le Sénat. Seul l’ex-ministre de la Santé, Ahmad Ahmad est venu répondre aux questions des sénateurs). Le ministère chargé de l’Economie et des Finances en personne a dit “cela ne le concerne pas.” Pourquoi ils ne sont pas venus ? Hein ? D’après vous ? C’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas là, quelque chose à cacher. Il reste donc à la population d’en tirer la conclusion : ça a été mal géré. »
Avant de rappeler que ceux ou celles qui refusent de se présenter devant la commission d’enquête sont passibles, selon la loi 2015-007 « de 2 ans d’emprisonnement ».
Manque de moyens
Les sénateurs expliquent aussi avoir manqué de moyens. Leur budget a été coupé en octobre dernier pour réunir des preuves probantes des fautes commises par les membres du gouvernement actuel. « Ces enquêtes, nous les avons faites sur fonds propres », affirme ainsi le sénateur Jafetra Randriamanantsoa, président de la commission d’enquête sur l’évasion dans le milieu carcéral à Farafangana.
Pourquoi, aussi, avoir attendu la veille de la fin de leur mandat pour rendre publics ces rapports d’enquête, qui concernent des faits survenus il y a dix mois pour les anomalies des listes électorales. Au sujet des 23 prisonniers abattus par les forces de l’ordre à Farafangana le 23 août dernier, le premier Questeur du Sénat, Mourad Abdirassoul botte en touche : « L’essentiel, c’est que l’information est sortie et que tout le monde sait quelles sont les failles de l’exécutif par rapport à ce massacre. »
Ces failles déjà connues, nommées et pointées du doigt par la société civile il y a plusieurs mois. Par leur ultime action, les sénateurs ont surtout réussi à prouver que le dernier bastion institutionnel qui se disait de l’opposition depuis l’élection d’Andry Rajoelina, n’en était finalement pas vraiment un.