A Madagascar, le nombre de contaminations au Covid-19 a quadruplé en l’espace d’une semaine, d’après le dernier bilan hebdomadaire officiel diffusé par les autorités dimanche. Quatre des 22 régions du pays ont enregistré une forte hausse des cas, parmi lesquelles Analamanga, où se trouve la capitale.Qu’en est-il alors dans les centres de soins ? À Antananarivo, au CHU d’Andohatapenaka, réquisitionné pour ne traiter que les patients atteints du Covid-19 en juillet dernier, la situation est accablante et le personnel désemparé.
de notre correspondante à Antananarivo,
Quatre hôpitaux sont en charge d’accueillir les malades du coronavirus. Au CHU d’Andohatapenaka, celui qui avait été réquisitionné pour ne traiter que les patients atteints du Covid-19 au plus fort de la pandémie en juillet dernier, la situation est accablante. Et le personnel de santé, désemparé, avant même l’arrivée d’une seconde épidémie.
Des infrastructures défectueuses
On l’appelle l’hôpital Manarapenitra, « l’hôpital aux normes ». Il a été inauguré en 2014 par l’actuel président. Pourtant, à l’intérieur, les toilettes ne fonctionnent plus, les robinets sont hors d’usage. Et les bidons d’eau chlorée pour se désinfecter les mains installés à l’entrée de chaque service sont désespérément vides. Quant au carrelage, il est défoncé : « il n’a pas supporté les allers-et-retours incessants des chariots chargés de bouteilles d’oxygène durant le pic de la pandémie » explique le personnel.
Au laboratoire de l’hôpital, il est possible de faire gratuitement un test PCR. « Seulement, indique-t-on navré, à l’accueil, il faut attendre 14 jours pour obtenir les résultats ». Le prélèvement est réalisé sur place, mais pas l’analyse. « Essayez de voir dans un autre hôpital si les délais sont plus courts, ou allez directement à Pasteur », conseille alors l’agent derrière son comptoir.
Dans le service qui traite les malades du Covid, des bouteilles d’oxygène, toutes vides, traînent dans les couloirs. Quatorze des vingt lits étaient occupés en ce début de semaine, nous explique ce médecin qui a requis l’anonymat.
« Depuis deux semaines le nombre de cas de Covid ne cesse d’augmenter. Normalement, le patient doit rester à l’hôpital pendant dix jours pour son traitement. Sauf qu’on pousse les gens à rentrer chez eux très tôt, au bout de cinq jours, parce qu’il y a un manque de lits. En fait, notre capacité d’accueil est limitée… parce que les salles ne sont pas décontaminées. »
Dans la hantise d’une deuxième vague
« On sait que quelque chose est en préparation et va nous tomber dessus mais tout le monde ferme les yeux. Personne ne prend ses responsabilités, nous confie, amer et inquiet, un autre médecin. Le nouveau variant, moi je pense qu’il est déjà sur l’île. Mais on n’a eu aucune sensibilisation sur comment traiter cette nouvelle souche. Quand on se plaint à notre ministère, on nous répond qu’il faut rester calme, que la situation politique est trop instable. » rapporte-t-il, en colère.
Et son collègue, de renchérir : « s’il y a une 2ème vague, on n’est pas prêts à l’affronter. Par manque d’équipements et à cause de problèmes des infrastructures qui se sont dégradées, suite au précédent pic. Actuellement, notre gros gros problème, c’est qu’on manque d’oxygène. On n’arrive pas à prendre en charge les cas graves. »
En effet, le générateur d’oxygène est en panne depuis deux ans. Pour le réparer, 60 millions d’ariary sont nécessaires (13 000 €). Durant le pic épidémiologique, les dons de bouteilles d’oxygène ont afflué pour alimenter les extracteurs de l’hôpital. Mais aujourd’hui, cette alternative n’est plus viable car les dons ont été stoppés. D’après le personnel soignant, les moyens manquent pour assurer une réserve constante d’oxygène. Et les pannes de courant intempestives sur place font courir un vrai risque aux patients placés sous ces extracteurs d’oxygène.
Quant aux équipements de protection, ils sont incomplets. Manquent des calots et des masques en nombre suffisants. Les médicaments – distribués gratuitement aux patients atteints du Covid – restent, eux, disponibles. Toutefois, ni le CVO ni le CVO+, les remèdes traditionnels malagasy tant vantés par le président Rajoelina « pour leurs effets préventifs et curatifs » ne sont plus proposés aux patients, confie l’équipe médicale.
Mais le personnel a connu pire, alors il serre les dents. Mais jusqu’à quand ? Beaucoup d’internes, sur le front dès la première heure pour soigner les malades du Covid, n’ont à ce jour toujours pas reçu la prime de risque de 200 000 ariary (43 €) par mois promise par le gouvernement. « On s’est sacrifiés pendant la pandémie, on était au chevet des malades, sans protection, nuit et jour, et aujourd’hui, quand on réclame notre dû, on nous fait comprendre qu’on n’est pas encore thésards et que si on l’ouvre trop, notre carrière peut s’arrêter net », déplorent en chœur trois internes du service.
Face à l’augmentation des cas, mardi 12 janvier le ministre de la Santé a prévenu dans une allocution filmée : « sans le respect des gestes barrières, le risque de revenir vers un reconfinement n’est pas exclu », avant d’annoncer la réouverture d’un centre d’accueil Covid dans la capitale pour ausculter et traiter, si besoin est, les patients qui présentent les symptômes du virus.