En juillet dernier, dans le but stabiliser les prix de la vanille et d’assurer un juste revenu, le gouvernement a décidé de recourir, pour la seconde fois consécutive, à la fixation des prix en imposant le tarif minimum de vente de 250 dollars US le kilo de vanille prête à l’export. Il y a dix jours, malgré la supplique de nombreux exportateurs historiques qui, face à l’absence de ventes, espéraient l’abandon de ce tarif, le Premier ministre a confirmé le maintien de ce prix plancher.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Questionnée au sujet du prix plancher maintenu, la ministre du Commerce Lantosoa Rakotomalala, répond, laconique : « On est dans un secteur stratégique du pays (deuxième apporteur de devise, NDLR). On est dans une stratégie qui avance bien et qui porte ses fruits. Et nous, nos fruits, ce sont les statistiques. » Elle n’en dira pas plus et arrêtera brutalement l’interview. Le sujet est brûlant.
Les données dont elle parle, ce sont les 550 tonnes de vanille exportée depuis mi-septembre, date d’ouverture de la campagne. Un chiffre très honorable. Pourtant, de nombreux exportateurs, qui ont tous souhaité conservé leur anonymat par peur de représailles, dénoncent une situation catastrophique.
« L’État prend les acheteurs pour des imbéciles. La vanille vaut 150 dollars le kilo dans le monde aujourd’hui, et on est le seul pays à la vendre à 250. Tous mes clients de longue date ont refusé ce prix. Je n’ai encore rien vendu, j’ai dû mettre mes gars au chômage technique. Ici, on nous tue comme on est en train de tuer le secteur », confie, pessimiste, cet exportateur historique de l’île.
D’autres exportateurs, dans le business depuis plusieurs décennies, expliquent les techniques utilisées par certains de leurs concurrents pour vendre leur vanille, coûte que coûte : « Arrangements avec les sociétés offshore, rééquilibrage avec d’autres épices vendues au même client, ristournes… Mettre le bon prix sur les factures ne prouve rien », clament-ils.
Un prix au-dessus du marché
Une version que confirme l’un des plus gros acheteurs européens qui a lui aussi requis l’anonymat : « Le problème de ce prix de 250 dollars, c’est qu’il est au-dessus du cours du marché, et que l’offre, sur la Grande Île, est très abondante. Aujourd’hui, on reçoit des offres de vanille malgache à 100 dollars, voire moins de la part d’exportateurs locaux. Personne ne nous la propose au prix plancher, car tous savent qu’à 250, personne n’achètera, même 200 grammes. Nous, en tant que négociants, on est obligés de suivre le prix du marché, et donc d’acheter à des prix inférieurs à 250. Ça nous gêne parce qu’on se met hors-la-loi par rapport à Madagascar, mais c’est un secret de polichinelle. Je suis persuadé que le gouvernement malgache sait très bien que si les vanilles sortent à 250 dollars sur la facture, elles sont redistribuées via des sociétés mauriciennes, à des prix qui sont nettement inférieurs aux 250. C’est une évidence. »
Face à cette situation tendue, Georges Geeraerts, le président du Groupement des exportateurs de vanille de Madagascar tempère : « Les statistiques douanières font état de 550 tonnes de vanille exportées à fin novembre, ce qui devrait amener à minima 600 tonnes à fin décembre, ce qui est tout à fait comparable à l’exercice précédent, c’est même un petit peu mieux. Selon moi, c’est à l’issue du premier trimestre 2021 et des quantités qui auront été échangées à ce moment-là, que l’on connaîtra la réalité de la demande mondiale. »
En d’autres termes, ce n’est qu’au 31 mai prochain, date de clôture de la campagne actuelle, que l’on pourra savoir si les acheteurs auront véritablement véritablement boudé ou non, la précieuse gousse malgache. L’an dernier, le pays a exporté 980 tonnes de vanille.