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À la Une: les fleurs fanées de la révolution tunisienne

« 10e anniversaire de la révolution : tout est amer, mais l’espoir est encore possible ! » C’est le grand titre du Temps à Tunis ce jeudi matin. « Nous y sommes ! Voilà 10 ans, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un chômeur de Sidi Bouzid, s’immolait par le feu pour protester contre le régime de Ben Ali. Et voilà 10 ans que la « révolution » tunisienne peine à se réaliser. Rien ne va plus dans le pays du jasmin, mais, veut croire le quotidien tunisien, les issues sont encore multiples. […] Le pays n’a pas perdu totalement l’espoir et il est nécessaire de raviver cette petite flamme… sinon, c’est la catastrophe !  »
Que célébrer ? 

« « Désenchantement », « désillusion », « espoirs trahis » : les formules sont usées jusqu’à la corde, soupire pour sa part Le Monde Afrique, dès que sonne l’heure du bilan de la révolution tunisienne. Elles relèvent désormais du cliché. La célébration, ce 17 décembre, du dixième anniversaire de l’immolation par le feu du jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi, qui a marqué le point de départ des « printemps arabes » et ébranlé la géopolitique régionale, cette célébration n’échappera pas à la règle. Le désabusement risque même d’être plus amer que d’ordinaire. Et pour cause, poursuit Le Monde Afrique. L’anniversaire survient dans un contexte local déprimé, pour ne pas dire délétère, où se conjuguent paralysie politique, affaissement économique et poudrière sociale. Quoi donc célébrer au-delà de l’invocation totémique d’une révolution qui a cessé de faire rêver ?  »

Colère et frustration 

Et au vu de l’enlisement actuel, « les Tunisiens, sans se concerter, semblent bien décidés à relancer les mouvements protestataires, pointe Jeune Afrique. « Front du salut », « Dialogue national », « Tous ensemble au Bardo », « Ensemble arrachons la rue », « Contre les violences faites aux femmes », sont autant de bannières, officiellement non partisanes, qui comptent encadrer les manifestations annoncées ce 17 décembre. […] Toutes classes sociales et tous motifs confondus, les Tunisiens sont passés de la revendication à la colère, constate encore Jeune Afrique. « Elle gronde depuis longtemps cette colère », affirme Achraf Zariat, un syndicaliste de Gabès, interrogé par le journal. « Placés au pied du mur, les gouvernements successifs ont tenté de l’apaiser mais les mesures annoncées à grand renforts de gros titres et jamais appliquées ont fini par lasser les citoyens. Tous espéraient un mieux-être mais tous ont vu leur pouvoir d’achat s’étioler ». Si bien, poursuit Jeune Afrique, que ce 17 décembre, la rue sera le réceptacle de cette colère, bien que les différents mouvements protestataires ne soient pas au diapason : les uns veulent annuler la loi de finances, les autres en finir avec la corruption, mais tous disent surtout l’immense désarroi de la Tunisie face à une faillite essentiellement sociétale et politique. Au fil des années, faute de débats de fonds sur des objectifs communs et les politiques publiques souhaitées, le tissu social s’est disloqué en générant encore plus de divisions. Et d’énormes frustrations.  »

« La démocratie, ça ne fait pas manger » 

Pourtant, rappelle Le Point Afrique, « le jasmin fut le produit vedette du début d’année 2011. Un produit maghrébin qui ricocha jusque dans les royaumes du Golfe. La Tunisie, ce « petit » pays [12 millions d’habitants] avait déclenché un tsunami. Dix ans plus tard, la morosité se conjugue à l’amertume. Le jasmin a fané. »

C’est vrai, constate encore Le Point Afrique, « le chantier démocratique a fortement avancé. » Mais, « les Tunisiens n’ont pas touché les dividendes économiques de leur transition démocratique. […] « La démocratie, ça ne fait pas manger », entend-on depuis plusieurs hivers. »

Partout dans le pays, « le ressenti est le même, poursuit le journal : plaintes, douleurs, désir de partir, fatigue. C’est plus qu’un blues qui vient de Tunisie, c’est un lamento. Pour boucler le budget de l’État 2021, le gouvernement devra emprunter 5 milliards d’euros, soit près de 30 % du total. Il souhaite obtenir un plan du FMI au printemps, ce qui n’est pas acquis. D’ici là, on retient son souffle dans les sphères dirigeantes tunisoises. On surveille les coups de grisou locaux (grèves générales, affrontements tribaux, blocage de certaines productions…) en espérant qu’ils ne se coagulent pas à un niveau national. »

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