L’Éthiopie et le conflit dans la province du Tigré est toujours à l’agenda de plusieurs organisations internationales, mais sans grand résultat pour l’instant. Et les autorités fédérales n’entendent pas transiger.
Sur le terrain, malgré les promesses d’Addis-Abeba, l’aide humanitaire n’est toujours pas arrivée au Tigré et les télécommunications sont toujours coupées, tandis que des combats épars ont encore lieu contre le TPLF, le parti dissident qui dirigeait la province. Alors face aux blocages et à l’incertitude, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, a haussé le ton à la sortie du Conseil européen, lundi soir.
« Notre message est très clair, a-t-il déclaré. Les hostilités et les violences à caractère ethnique doivent cesser. Les civils et les réfugiés doivent être protégés. Le droit international doit être respecté. Nous demandons avec force au gouvernement éthiopien un accès complet à la région du Tigré pour tous les acteurs humanitaires. Cet accès doit être garanti pour toutes les institutions, celles des Nations unies, les ONG… Nous exprimons notre grande inquiétude sur les atrocités qui seraient commises et qui doivent faire l’objet d’enquêtes sérieuses. Les responsables doivent être jugés. Il existe des accusations croisées. Le black-out sur ce qui se passe en Éthiopie est toujours en vigueur. Il y a 40 000 réfugiés qui se massent au Soudan. La seule manière de restaurer une paix forte et durable est de soutenir l’initiative de l’Union africaine. »
Mais cette initiative est au point mort, depuis dix jours. Les trois envoyés spéciaux de l’UA avaient rencontré le Premier ministre Abiy Ahmed, la veille de l’annonce de la prise de la capitale régionale, Mekele. Ils n’avaient pas obtenu de concessions de ce dernier sur une éventuelle médiation avec les dissidents du TPLF ayant pris le maquis.
Et lors du sommet extraordinaire de l’Union africaine consacré au mot d’ordre « faire taire les armes » dimanche, le président en exercice de l’UA, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, n’a pas évoqué le Tigré dans son discours, ce qui a surpris de nombreux observateurs.
Mais ce n’est pas le cas de Liesl Louw-Vaudran, chercheuse à l’Institut des études de sécurité à Pretoria. « C’est un peu normal, dans l’Union africaine, que les chefs d’État ne mentionnent pas de crise spécifique, indique-t-elle. Il a parlé de terrorisme dans le Sahel, du Sahara occidental qui est un sujet important pour l’Afrique du Sud, mais c’est vrai que beaucoup de monde a quand même remarqué l’absence de référence à l’Éthiopie. Justement parce que Ramaphosa est intervenu, il a nommé trois envoyés spéciaux. Donc je pense que la tentative de médiation d’intervention n’a pas, pour l’instant, porté ses fruits. »
Selon la chercheuse, le moment est délicat : « Nous savons bien que le Premier ministre Abiy Ahmed essaye de convaincre tout le monde que c’est une question interne. Il faut dire que l’Éthiopie a toujours été compliquée, justement parce que c’est le siège de l’Union africaine. Cela crée un certain malaise ou une difficulté pour les autres chefs d’État dans le cadre d’une réunion de l’Union africaine. »