À Madagascar, elle provoque la peur et la défiance des citoyens mais reste un outil indispensable au fonctionnement du pays. Elle, c’est l’administration malgache. Hier, à l’Institut français de Madagascar, l’Association des anciens élèves de l’École nationale d’administration organisait un débat sur le thème « servir l’État malgache au XXIe siècle ». Comment repenser l’administration, comment adapter la fonction publique aux enjeux actuels ?
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
C’est dans une salle comble, composée majoritairement d’étudiants, que les panélistes ont émis des propositions pour tenter de révolutionner un mastodonte qui peine à gagner la confiance de ses administrés : « Précaire », « politisée », « désorganisée », « népotique », « corrompue »… À la sortie du débat, les spectateurs ne mâchent pas leurs mots quand on leur demande de qualifier l’administration malagasy actuelle.
Urgence
Ce désamour, Diana Rasoanaivo, conseillère de l’Association nationale pour la justice administrative et actuelle directrice de cabinet du ministre des Transports, du tourisme et de la météorologie, en est bien consciente. Il y a donc urgence : « Pour améliorer la fonction publique avec zéro budget, il faudrait déjà commencer par nettoyer devant son propre palier. C’est-à-dire, pour les fonctionnaires qui ne sont pas prêts à suivre la loi, il faudrait des sanctions exemplaires allant jusqu’à la révocation de la fonction publique. Enfin, il faudrait un recrutement basé sur la méritocratie. C’est-à-dire que s’il y a dix places de fonctionnaires dans un corps, et que l’État ne trouve que deux personnes à la hauteur, l’État devra recruter les 2 personnes et laisser tomber les 8 places. Justement pour avoir la qualité. »
Hery Rason, le directeur exécutif de l’ONG Ivorary, spécialisée dans les questions de justice et de lutte contre la corruption, est, lui, persuadé que la mutation de l’administration doit passer par la réforme de la justice : « Pas mal de dossiers ont été soumis à la Haute cour de justice, environ une dizaine de dossiers concernant les ministres et hauts fonctionnaires, et jusqu’à aujourd’hui, la HCJ n’a pas remis en cause l’intégrité de ces gens, alors que certaines preuves sont flagrantes, et que de l’autre côté, il y a de simples fonctionnaires qui sont emprisonnés. Il y a une justice à deux vitesses et un traitement inégalitaire. Il y a une impunité pour l’élite. La HCJ est une justice qui est un refuge pour les gens corrompus. Donc nous, société civile, on propose de supprimer la HCJ lors de la prochaine révision constitutionnelle. »
Numérique
Autre challenge de taille, pour l’administration : passer au numérique. Archivage des documents concernant chaque citoyen, mise en ligne des textes de lois, des décisions de justice, la digitalisation de tous ces documents permettrait de résoudre beaucoup de problème de transparence, de redevabilité et de corruption. Seulement, le projet de loi sur l’accès à l’information, qui pourrait accélérer les choses, est encore entre les mains du gouvernement. Il a été déposé par le ministère de la Communication le 3 septembre 2020, et, depuis, plus rien. Son adoption en Conseil des ministres reste très attendue pour un changement en profondeur de l’administration malgache.