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Francophonie: les 50 ans de l’OIF vus d’Addis-Abeba, une histoire de trains

C’était il y a 50 ans jour pour jour. Le 20 mars 1970, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba, le Nigérien Hamani Diori et le Cambodgien Norodom Sihanouk fondaient l’Agence de coopération culturelle et technique, devenue Organisation internationale de la Francophonie en 2005. RFI est allé à la rencontre de deux anciens du rail, à Addis-Abeba.

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de notre correspondant à Addis-Abeba,

Aujourd’hui, quatre-vingt-huit États mettent en avant la langue de Molière dont on estime à 300 millions le nombre de locuteurs à travers le monde. Parmi ces francophones, une poignée d’anciens cheminots éthiopiens. Ils sont les témoins vivants d’une histoire qui s’efface peu à peu aujourd’hui. Une histoire qui a laissé des traces dans la langue amharique où le train n’est autre que le « shemendefer ».

Jouer à la pétanque pour s’amuser

Chaque jour ou presque, monsieur Shemsu a rendez-vous au club des cheminots d’Addis-Abeba. « J’ai mon casier, tout le monde a son casier », nous explique t-il tout en l’ouvrant. Là, sont précieusement conservées ses boules de pétanques. « J’ai commencé à jouer en 1968. » A 74 ans, l’homme est plutôt un « pointeur », celui qui place ses boules au plus près du cochonnet. A la différence du tireur, qui dégomme !

Monsieur Shemsu fait aujourd’hui équipe avec un Français, Thomas, ancien de l’Organisation de la Francophonie et habitué de ces lieux un peu hors du temps.

« C’est un lieu de rassemblement à la fois des francophones et non-francophones. C’est un aspect désuet de l’Éthiopie c’est certain, mais ça a beaucoup de charme, il y a des gens très accueillants et qui jouent très bien aux boules. Donc on vient s’amuser ici et c’est un plaisir. » Casquette sur le crâne, Moges abonde.

Le souvenir de la visite de Charles de Gaulle

« On suit la culture française ici. Il y a un lien entre le club et la culture française. Ici vous vous sentez comme à la maison. Un Français qui vient de n’importe où, il se sent en France. Et pour nous c’est pareil, on garde ce goût pour la France. Ici je me sens francophone, pas à l’extérieur. »

Eric Lafforgue/Corbis/Getty

Nous sommes à quelques encablures de la vieille gare. Celle-là même qui vit arriver le train pour la première fois en 1929, quand Haïlé Selassé n’était encore que le Négus, le roi, Tafari Mekonnen. Le club des cheminots a été déplacé ici il y a huit ans. Mais monsieur Shemsu se souvient bien de ses premières heures, en 1966, lorsque le président français d’alors visita l’Éthiopie.

« Il a même touché mes cahiers avec le roi Haïlé Selassié, les dessins techniques, très jolis, avec une belle écriture. De Gaulle ne m’a pas tutoyé, il m’a vouvoyé :  » c’est vous qui avez fait ça ? «  et le roi m’a fait un clin d’œil. »

Monsieur Shemsu était à l’époque tout fraîchement diplômé du centre d’apprentissage du chemin de fer franco-éthiopien. Il y a fait 22 ans comme électro-mécanicien. Une grande partie des manuels techniques étaient rédigés en français. C’est donc le chemin de fer qui a créé ce lien avec la langue française. Une langue synonyme de promotion sociale pour les cheminots de l’époque dont certains ont intégré le lycée franco-éthiopien Gebre Mariam.

« J’étais pieds nus au lycée en 1959, le gardien m’a interdit d’entrer parce que la discipline du lycée l’interdisait. C’était une école de riches. Tout le monde me regardait comme ça, moi le fils de jardinier avec mes vêtements déchirés. J’ai franchi cette frontière. »

Amoureux de la langue française

Monsieur Shemsu aime pratiquer la langue. Entre anciens, le vocabulaire technique du train demeure. Autour d’une ou deux bières aussi, les mots vibrent.

« La langue française est l’une des plus riche en grammaire, comme nous, l’amharique, l’arabe. Ce sont trois langues riches. Si vous voyez la différence entre grammaire anglaise et français. Je suis allé en Allemagne j’ai appris l’allemand, c’est n’est pas riche. »

« La Gare », c’est en français dans le texte. Les mots s’affichent en grand sur le fronton de l’ancien terminus. Ils désignent un projet de complexe immobilier luxueux porté par des Émiratis. Au grand désespoir de Moges.

« Le terrain du chemin de fer a été donné pour les Émiratis. Donc demain ou après-demain on peut perdre aussi cet endroit. On ne sait pas. Je ne veux pas. Mais dans cinq on n’aura peut-être plus de francophonie ici. Ça me fait mal de dire ça. »

Et son compère, monsieur Shemsu de conclure, « Le gouvernement français nous a abandonnés. »

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