Selon un communiqué du ministère ougandais des Affaires étrangères, la « période de pré-transition », qui devait commencer le 12 novembre, sera prolongée de trois mois. La médiation espère que ce nouveau délai empêchera le Soudan du Sud de glisser à nouveau dans la guerre civile.
Un gouvernement de transition réunissant les deux parties devait voir le jour en mai. Mais, reporté une première fois, puis une deuxième, il est maintenant question de février. Le président Salva Kiir et le chef rebelle Riek Machar ont obtenu un délai de cent jours pour leur permettre de mettre toutes les chances possibles pour former un gouvernement d’union nationale.
La formation d’une armée unifiée continue, encore et toujours, de poser problème.
Devant le peu de progrès accomplis à la table des négociations et sur le terrain, notamment en matière de cantonnement, les pays de la région, qui assurent tant bien que mal la médiation, ont décidé d’accorder aux frères ennemis un autre délai. Outre les cent jours supplémentaires, les parties sont convenues de se pencher sur « le statut » et la sécurité de Riek Machar, qui vit actuellement en exil à Khartoum.
Ce n’est pas un point de détail : à l’époque où il était vice-président, il y a trois ans, sa garde rapprochée a été décimée et sa résidence de Juba bombardée.
Autre question épineuse, les États régionaux et leurs frontières. Salva Kiir a fait passer leur nombre de 10 à 32. Ses adversaires estiment qu’il s’agit là d’une façon de déployer ses alliés d’un bout à l’autre du pays.
Loin de ces tractations politiques, les populations meurtries disent leur souffrance
À Wau, dans le nord-ouest du pays, les violences ont été particulièrement intenses, marquant psychologiquement les habitants, alors que le pays n’a aucune prise en charge de ce genre. Dépression, alcoolisme, violence : une partie de la population souffre d’un traumatisme lié au conflit.
→ Réécouter nortre série de reportages : [Série Soudan du Sud] A Juba, la vie continue malgré la guerre (5/5)
Une bombe à retardement dans un pays comptant un seul psychiatre. Gérée par le gouvernement et soutenue par le CICR, l’unité de soins de Hai Masna propose donc une aide psychologique. Elle est l’un des rares centres où des soins de santé mentale sont accessibles. Elle compte deux conseillers formés par l’organisation internationale, dont Agustino Ayom.
« On parle de leurs problèmes. On ne peut pas tout régler, mais on les aide à trouver des solutions eux-mêmes. On leur rappelle qu’ils ne sont pas seuls, que les événements ont touché tout le monde. Quand ils gambergent, on aide à chercher la cause. Ensuite on rappelle l’importance de revenir. »
Cheveux courts poivre et sel, Elisabeth Nuor est venue consulter. Déplacée par le conflit, cette mère de 38 ans vit dans un camp avec ses neuf enfants. Elle a perdu une partie de sa famille et avec ses mots, elle en explique les conséquences.
« Je n’arrive pas à communiquer avec mes enfants. Ils font des bêtises. J’ai des filles enceintes, d’autres quittent la maison. À une époque, j’étais tellement stressée, je voulais me suicider. Mais depuis que je viens, mon stress s’est réduit. Les enfants commencent à m’écouter. Et je ne veux plus me tuer. »
Le CICR sensibilise les communautés, tente de détecter les cas et forme des gens à l’écoute. Nyanun Atuk Kan a vu ses frères mourir, sa maison brûler. Des images la hantent.
« Je ne dors pas la nuit. Je repense tout le temps à mes frères morts. J’ai aussi des absences. J’oublie de donner le sein à mon enfant, parfois j’oublie pendant trois ou quatre jours. Mon mari lui ne fait rien, il ne m’aide jamais. »
Aujourd’hui, Nyanun Atuk Kan a décidé de prendre sa vie en main. Elle cherche d’abord à divorcer.
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