Mercredi soir, en conseil des ministres, le gouvernement a annoncé suspendre pour une durée indéterminée le troisième plus grand projet minier du pays, en raison de « mésententes entre le projet et les communautés locales » mais aussi « par manque de clarté sur les bénéfices que pourrait en tirer le pays ».
Cette suspension, à quelques semaines du début de la construction des infrastructures de l’usine d’extraction d’ilménite et de zircon, suscite plusieurs interrogations. La société minière, Base Toliara, avait obtenu son permis d’exploitation en 2012… soit un an après le gel de l’octroi de permis miniers. Coïncidence, Transparency International Initiative Madagascar rendait public hier les résultats préliminaires de son étude sur les risques de corruption dans le processus d’obtention de ces précieux permis.
Délivrance gelée
Pour obtenir un permis minier à Madagascar, il faut passer une quinzaine d’étapes. Et la démarche est longue : jusqu’à quatre ans parfois. Mais ça, c’était avant 2011. Car depuis cette date, la délivrance des permis miniers est gelée. Impossible donc d’obtenir d’autorisation d’exploitation. Du moins en théorie.
Car rien que ces deux dernières années, plus d’une dizaine de permis ont été octroyés. Et c’est justement cette différence, immense, entre la législation et la réalité, que pointe Transparency International Madagascar dans son étude.
« On a découvert que le gel des permis miniers favorisait la négociation entre les promoteurs de projets et les décideurs politiques. Parce que l’octroi des permis miniers passe désormais à travers des paiements de facilitation et des pots-de-vin. Donc il y a un risque élevé de corruption », explique Christian Ihariantsoa, en charge du « secteur minier » au sein de l’ONG.
Opacité
Qu’en est-il de Base Toliara, la société minière australienne qui vient de se voir suspendre son projet, et qui avait obtenu son permis d’exploitation en 2012, alors en plein régime de transition dirigé par Andry Rajoelina, l’actuel président ?
Difficile de le savoir tant l’opacité règne dans le secteur minier.
Toutefois, pour Christian Ihariantsoa, l’événement n’est pas anodin. « Ce que ça révèle là, c’est qu’il y a une faille dans la consultation publique. Et que ce n’est pas uniquement le problème de Base Toliara ! Cette situation concerne l’ensemble des promoteurs miniers dans le pays. Même si les communautés locales sont consultées, leur avis est rarement pris en compte. Pourquoi ? Parce qu’ici, le permis social n’existe pas, contrairement à d’autres pays. Par ailleurs, par rapport au cas présent, il faut signaler que nous sommes dans un contexte d’élection municipale (NDLR : le 27 novembre prochain), donc plus la population est satisfaite, mieux c’est pour le gouvernement. »
Pas de commentaires
Présents à la présentation de l’étude, les différents représentants du ministère des Mines n’ont pas souhaité commenter cette décision de suspension, ni s’exprimer au sujet d’éventuels faits de corruption.