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Teodoro Obiang a-t-il été acculé au coup d’État en Guinée équatoriale?

Au lendemain du coup d’État du 3 août 1979, le chef des putschistes n’a pas de mots trop durs pour décrire le « véritable supplice » que son prédécesseur, Francisco Macías Nguema, a infligé à la Guinée équatoriale. Le lieutenant-colonel Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui préside la junte au pouvoir, déclare qu’il fera beaucoup mieux, surtout en matière de droits de l’homme. Dans les câbles qu’il envoie au Quai d’Orsay, l’ambassadeur de France à Malabo tente de cerner l’homme et ses idées.

Son putsch, la veille, n’est pas qu’une révolution de palais, un simple changement de la garde, mais le coup d’État de « la Libertad ». En ce 4 août 1979, Teodoro Obiang cherche à en convaincre les diplomates accrédités à Malabo, dont le Français Hubert Cornet, seul ambassadeur occidental posté en Guinée équatoriale.

Ce dernier connaît bien l’officier qui était jusque-là vice-ministre de la Défense et, dans les faits, le « numéro deux » du régime. Originaire du district de Mongomo, le lieutenant-colonel a étudié chez des missionnaires salésiens à Bata avant de remporter une bourse lui permettant de s’inscrire à l’Académie générale militaire de Saragosse, en Espagne, l’ex-puissance coloniale.

Attentif au propos et au ton, Hubert Cornet l’écoute et l’observe à la manière d’un reporter. Il remarque que le nouvel homme fort, d’ordinaire calme et réservé, s’exprime désormais « avec une certaine émotion », « une certaine solennité » : « Le lieutenant-colonel Obiang m’a paru résolu, mais épuisé par les événements et mal à l’aise dans son nouveau rôle. Plutôt réservé, il semble avoir été poussé sur le devant de la scène. Il faut attendre pour savoir s’il prendra de l’assurance. »

Devant les ambassadeurs, Teodoro Obiang dresse un bilan catastrophique de son prédécesseur. « Assassinats, disparitions, emprisonnements, exil, mauvais traitements, confiscation des biens privés. » Entre autres. Le nouveau maître de Malabo s’engage au respect « scrupuleux » des droits de l’homme, des droits que son prédécesseur, chantre de l’identité africaine, assimilait à une forme de « colonialisme intellectuel ».

Difficile d’imaginer deux hommes plus différents l’un de l’autre, de l’avis de l’ambassadeur Cornet. Francisco Macías est « un vieux chef déçu, de plus en plus replié sur ses fantasmes (…) fatigué, aigri et ne croyant vraisemblablement plus au succès de la mission ». Teodoro Obiang est, lui, « un jeune chef d’État, inexpérimenté (…) mais enthousiaste et s’estimant « prédestiné » pour rendre le bonheur et la liberté à son peuple, fortifié dans sa conviction par l’adhésion des siens et des étrangers à son « coup d’État de la Liberté » ».

Le putsch : une querelle familiale qui a mal tourné

Le diplomate ne se fait pas d’illusions sur le renouveau qu’annonce l’homme qui deviendra le plus ancien président en exercice au monde. La plupart des responsables militaires du nouveau régime ont participé aux « excès » de l’ancien, relève-t-il. Teodoro Obiang a même dirigé la prison de Black Beach, dont le seul nom fait frémir tant il est synonyme de sévices et de mort.

« Les militaires qui ont pris le pouvoir et les civils qui collaborent avec eux sont ceux-là mêmes qui exécutaient la politique qu’ils désavouent aujourd’hui », note Hubert Cornet. La nouvelle junte a vidé les prisons de leurs prisonniers politiques, certes, mais elle s’emploie à les remplacer par ses propres « non-conformistes », souligne-t-il.

Il ne fait pas de doute que Teodoro Obiang est un fin stratège. Plusieurs mois avant son arrivée au pouvoir, l’ambassadeur évoquait déjà chez le vice-ministre de la Défense une tendance à exagérer « volontairement » des menaces d’invasion pour accroitre son « importance propre et son autorité à l’égard du pouvoir civil ». Il est vrai, nuançait le diplomate, que le pays vivait « dans une atmosphère permanente de complot et de coup d’État ».

Selon Hubert Cornet, une querelle familiale au sein du clan présidentiel, deux mois auparavant, serait à l’origine du renversement de Francisco Macías : « Quelques militaires de sa garde, mal payés ou non payés, lui auraient violemment reproché leur état de dénuement, son avarice, sa mégalomanie et son impopularité. Ce qui aurait pu rester un gros malaise familial a tourné au drame. Le chef de l’État a pensé immédiatement qu’il y avait un coup d’État dans l’air, et en prenant des mesures hors de proportion avec l’énervement de quelques-uns de ses proches, a déclenché le processus qui devait aboutir à son élimination. »

Une « répression très sévère », rappelle le diplomate, avait alors touché la « camarilla » présidentielle, y compris la famille immédiate de Teodoro Obiang. Le frère de ce dernier, officier comme lui, qui avait eu la témérité de réclamer des arriérés de salaire (de huit mois), avait été assassiné. Comme quatre autres officiers de la Guardia Nacional. L’ambassadeur ne voit donc pas dans le coup d’État une conjuration longuement préméditée, mais une prise de conscience collective par l’entourage présidentiel que sa situation était « sans issue ».

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À lire aussi : Quand Teodoro Obiang s’emparait du pouvoir par un putsch Guinée équatoriale

► À suivre : Quand Madrid a profité d’un putsch pour revenir en force en Afrique centrale

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