En Érythrée, les évêques catholiques continuent de protester contre la vague de répression du gouvernement contre leurs centres de santé et leurs lieux de culte. Dans une nouvelle déclaration publiée ce mardi 25 juin, ils appellent leurs fidèles à la prière et au jeûne.
C’était lundi, entre les villes de Barentu et Keren, dans la campagne désertique du sud-ouest du pays. Deux semaines après une première descente et la fermeture d’une trentaine de cliniques catholiques par le gouvernement, des soldats ont investi un nouveau centre de santé, l’un de ces havres de paix disséminés à travers l’Érythrée. Une nonne qui a refusé d’ouvrir à l’armée a été arrêtée et, depuis, le centre est sous le contrôle des militaires. Mais les catholiques ne sont pas les seuls à subir cette vague répressive.
La veille, un dimanche donc, les forces de sécurité avaient fait une descente en plein office dans un temple méthodiste de Keren, arrêtant tous les fidèles présents. Seule une moitié a été libérée, les autres sont toujours en détention, selon un prêtre catholique érythréen. Quelques jours avant, cinq moines orthodoxes, qui n’ont pas prêté allégeance au patriarche appointé par le gouvernement, avaient eux aussi été embarqués par la force et enfermés quelque part dans un commissariat.
Il y a deux ans, c’était une école privée musulmane d’Asmara qui avait été violemment fermée par les autorités, provoquant une manifestation populaire inédite dans la capitale. Plusieurs responsables avaient passé des mois en prison et le célèbre fondateur de l’école était mort en détention.
Trois semaines de jeûne et de prière
Mardi, les évêques catholiques d’Érythrée sont donc une nouvelle fois sortis de leur silence. Dans une déclaration publique, ils ont appelé tous les fidèles à trois semaines de jeûne et à la prière jusqu’au 12 juillet, à l’image, disent-ils, de Néhémie, une figure de l’Ancien Testament qui, à la cour des rois de Perse, prend le deuil en apprenant l’état de désolation qui règne à Jérusalem.
Les évêques catholiques érythréens sont habitués aux déclarations perçues comme hostiles au gouvernement, appelant régulièrement à « la vérité » et la « réconciliation » dans une société très strictement contrôlée par le parti-État et son appareil de sécurité, mais aussi bouleversée par l’absence de liberté et l’exode continu de la jeunesse vers les camps de réfugiés ou l’Europe.
Cette répression soudaine contre les communautés religieuses s’explique d’abord par le fait que celles-ci, notamment l’Église catholique dans un pays pourtant majoritairement orthodoxe et musulman, constituent la seule « société civile » de ce pays fermé et très pauvre, assurant des services d’aide importants à la population, comme des soins ou l’éducation primaire.
Une militante érythréenne des droits de l’homme évoque aussi une question de « leadership » : l’ombrageux président érythréen Issayas Afeworki veut s’assurer de conserver le contrôle d’une société très surveillée, alors que toute la Corne de l’Afrique est soumise à des changements profonds depuis l’accession au pouvoir du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.