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[Portraits] Présidentielle en Mauritanie: ils votent pour la première fois

Ils sont 132 000 nouveaux votants inscrits cette année sur les listes électorales pour la présidentielle du 22 juin. Des jeunes citoyens mauritaniens qui ont décidé de s’engager pour cette élection où le président sortant ne se représente pas, laissant le champ libre aux six candidats en lice. Rencontre avec une jeunesse avide de changement.

Avec notre envoyée spéciale à Nouakchott,

La nuit est tombée sur Nouakchott, mais les rues restent animées. Au premier étage d’un petit immeuble du centre-ville, les lumières des bureaux sont allumées et des jeunes entrent et sortent. C’est le siège du mouvement Jeunesse 1er mars. Un rassemblement de jeunes citoyens créé « indépendamment de tout parti » pour « que les jeunes comptent dans cette campagne présidentielle », explique l’un des responsables Moulay Hassan. Cet étudiant se prépare à voter pour la première fois et après avoir examiné les projets des candidats, il a décidé avec son mouvement de rejoindre le camp du général Ghazouani, le dauphin du président Mohamed Ould Abdel Aziz.

Un premier engagement dont il est plutôt fier : « C’est plusieurs émotions ensemble, c’est à la fois un poids, un devoir que j’ai désormais. C’est mon rôle en tant que jeune et citoyen de m’engager. On a un rôle important à jouer dans l’avancement du pays. Maintenant, en cas de victoire, on s’attend à ce que le programme soir appliqué. » Les jeunes de 1er mars préviennent : ils seront vigilants. Et même s’ils soutiennent le candidat du pouvoir, ils mettent en avant leur envie de changement. C’est même primordial pour Aicha, 20 ans : « Il faut que les choses changent. Aujourd’hui, ça ne va pas du tout. Par exemple, l’éducation, c’est un vrai problème. Le taux de réussite au bac est d’à peine 10%. L’éducation ces dernières années a été totalement privatisée. Nous, on veut donc du changement. »

Des jeunes montrent un modèle de bulletin de vote à Nouakchott, Mauritanie. © RFI/Paulina Zidi

Autre ambiance, autre QG de campagne. Dans un quartier périphérique de Nouakchott, des jeunes, t-shirt aux couleurs du candidat anti-eclavagiste Biram Dah Abeid, se préparent à aller écumer leur voisinage. « Nous on fait de la sensibilisation, explique une jeune femme qui s’appelle aussi Aicha. On va voir les gens avec une copie d’un bulletin de vote et on leur explique comment ils doivent faire pour voter. » Pour cette jeune militante d’une vingtaine d’années, cette élection est aussi une première. Et de son engagement nouveau, elle espère elle-aussi le changement.

Soif de justice

Finalement, les revendications de ces jeunes, engagés pourtant pour des candidats différents, sont similaires. Chez les partisans de Biram, on met en avant le besoin de réforme de l’éducation, mais aussi « la santé, c’est très important » et surtout « la justice » pour Bial. « Ici, il n’y a pas de justice. Tous les citoyens n’ont pas les mêmes droits. Maintenant que je peux voter, je veux faire tout mon possible pour faire entendre ma voix. »

Eux aussi ont voulu s’engager pour la première fois. Ils sont de jeunes votants, mais plus forcément des jeunes tout court. Moussa et son ami artiste Ousmane ont passé la trentaine, mais ils n’ont jamais voté pour une élection présidentielle jusqu’ici. La raison : « le découragement ». Cette impression que les jeux étaient faits d’avance. « Moi, quand Aziz est arrivé au pouvoir, j’étais encore élève et pour moi c’était un imposteur. On ne l’avait pas élu, il n’était pas légitime. Donc quand il s’est présenté et représenté, je ne voulais pas aller voter », explique Ousmane, le rappeur.

Zeiina, Moussa et Ousmane vont voter pour la première fois lors d’une élection présidentielle en Mauritanie. © RFI/Paulina Zidi

Ce qui l’a convaincu cette fois-ci de prendre sa carte d’électeur, c’est donc l’absence du président Abdel Aziz dans la liste des candidats. Arrivé au bout de ses deux mandats, ce dernier n’était pas en mesure de se représenter selon la Constitution. Et pour Ousmane et son ami Moussa, c’est le déclic. Une occasion de mettre fin aux inégalités dans le pays. Pour Moussa, la clé de ce scrutin, c’est l’unité nationale : « Le président Aziz, il a été aimé de force, mais en réalité, il nous a désunis. On est divisé en ethnie, en clan, en famille. Et alors qu’on devrait s’unir pour mettre fin au pouvoir des militaires, finalement, on est divisé. »

« Il faut que cela s’arrête »

Mettre fin au pouvoir des militaires, c’est également l’envie de Jemal et Ainina. Tous les deux ont aussi la trentaine bien passée et tous les deux se sont inscrits pour la première fois cette année sur les listes électorales. Ils ont décidé de s’engager aux côtés de l’ancien Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar. C’est d’ailleurs à son QG de campagne qu’on les rencontre. A quelques jours du premier tour, la fatigue se fait sentir, mais l’enthousiasme est bien présent. « Moi, je veux un président compétent, un président qui a fait des études, qui va redonner à la Mauritanie une crédibilité internationale », argumente Jemal.

QG de campagne du candidat Sidi Mohamed Ould Boubacar à Nouakchott, Mauritanie. © RFI/Paulina Zidi

Et pour Ainina, Sidi Mohamed Ould Boubacar a le profil dont le pays a besoin : « En plus, il a été formé en Mauritanie, donc il connaît tous nos problèmes. Il connaît la division de la société mauritanienne. Il sait que le militaire ne peut pas tout régler. L’armée, c’est un gouffre financier. Il faut que cela s’arrête. »

Des arguments, des idées qui ont animés les jeunes Mauritaniens durant cette campagne, mais de façon assez confidentielle. Les grands débats ont été assez absents d’une campagne plutôt terne qui s’est limitée à un affrontement pouvoir-opposition.

Certains voient le jour du vote arriver sans avoir vraiment pu se faire leur avis. C’est le cas de Zeiina rencontrée aussi à Nouakchott. Elle est encore lycéenne, mais va aussi aller voter pour la première fois. Pour sa part, elle n’est pas du tout engagée en politique. Pour elle, aller voter, c’est juste une évidence, un devoir : « Dans ma famille tout le monde vote, mes parents, mes frères et sœurs. Donc forcément aller m’inscrire sur les listes, c’était une obligation. » Zeiina ne s’est donc pas intéressé à la campagne. Dans son quartier, il ne s’est d’ailleurs pas passé grand-chose. Elle estime avoir été mal informée. « Je n’ai pas vu les programme des candidats. C’est difficile de savoir ce qu’ils veulent faire. Franchement, je ne sais pas vraiment pour qui voter. Le seul que je connais, c’est Ghazouani. Les autres, j’ai du mal à me faire une idée. »

A Nouakchott et dans le reste du pays, des zones ont été totalement oubliées de la campagne. Difficile alors pour ses jeunes primo-votants de se faire un avis éclairé sur cette élection. Pour beaucoup, samedi, on votera donc comme le reste de la famille, avec un espoir tout de même, qu’avec un nouveau président viendra le temps du changement tant attendu.

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