Ce 17 février, Madagascar lance la deuxième phase de vaccination des enfants contre la rougeole. L’épidémie qui touche la Grande Île depuis fin août dernier a déjà fait près de 600 victimes sur les 60 000 personnes qui ont contracté le virus. Avec la peste en 2017, cette épidémie fait partie de l’une des plus importantes de ces dernières années. Si la rougeole peut pourtant facilement être évitée grâce à un vaccin, l’épidémie a beaucoup de mal à être endiguée, tant les réticences de la population à l’égard de la vaccination sont nombreuses, et l’ancrage de la médecine traditionnelle fort.
A Madagascar, 80% de la population se soigne essentiellement par la médecine traditionnelle. Pour Ranjatiana Randriantsara, doctorante en anthropologie de la santé à l’université d’Antananarivo, la capitale, et chercheuse au Laboratoire d’anthropologie patrimoine, transformation sociale et transculturalité, « l’accessibilité à la médecine conventionnelle fait défaut en brousse et par rapport aux moyens financiers et économiques de la population ».
Médecine « syncrétique »
L’exploitation des plantes médicinales, d’après les chercheurs, daterait de l’époque Vazimba, c’est-à-dire de 300 ans avant Jésus-Christ environ à 1600 de notre ère. Au 19e siècle, avec l’arrivée des missionnaires britanniques sous le règne de Ranavolona II, les bases de la médecine conventionnelle commencent à être enseignées à la population en même temps que l’Evangile. Ce qui explique le rapport particulier que les Malgaches entretiennent aujourd'hui avec la médecine, qualifiée de « syncrétique » par la chercheuse.
« Les gens [qui ont les moyens], pour se soigner, font un mixte entre médecine traditionnelle et médecine conventionnelle dans leur quotidien, explique-t-elle. Parfois, le problème, c’est que quand on dit "tomber malade" dans la culture malgache, ce n’est pas forcément une cause biologique. Par exemple, le fait d’avoir fait du mal à quelqu’un. Tomber malade est peut-être la punition. Donc, les gens ne vont pas forcément aller à l’hôpital pour se soigner. Mais faire des rites et coutumes pour soulager leur esprit ».
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« La longue persistance des épidémies, que ce soit pour la peste et pour la rougeole, est en rapport avec le contexte social et culturel de la population, qui croit plus aux bénéfices de la médecine traditionnelle et des rites et coutumes malgaches », ajoute Ranjatiana Randriantsara.
Malgré les croyances, l’Etat malgache espère arrêter la progression de l’épidémie de rougeole avec cette nouvelle riposte vaccinale qui débute ce 18 février. Au total, 850 000 enfants de 6 mois à 9 ans de trois régions de l’île, à savoir Androy, Diana et Atsimo Andrefana, sont ciblés par cette campagne.