L'accord de paix signé mercredi 6 février à Bangui, entre le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra et les représentants de 14 groupes armés a finalement été rendu public hier soir. RFI a pu se procurer une copie du document. Un accord qui se veut historique. Il a été négocié depuis le 24 janvier à Khartoum, la capitale soudanaise, sous l’égide de l’Union africaine.
Dans cet accord, les parties s'engagent à « renoncer » dès la signature de l'accord « à tout recours à la force armée » pour régler leurs différends. Il prévoit la formation d'un gouvernement inclusif. Mais qu'en sera-t-il des poursuites ? Les groupes armés espéraient une amnistie en échange, alors que dans son immense majorité la population centrafricaine rejette le principe d'une impunité.
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Le mot « amnistie » ne figure pas dans l'accord. Mais les signataires, peut-on lire dans le document, rejettent « toute idée d'impunité ». Le risque de poursuites judiciaires n'est donc pas exclu, même si la probabilité semble limitée.
La question est en effet renvoyée à une « commission inclusive » comprenant donc en son sein des représentants des groupes armés. C'est elle qui aura la charge « de qualifier et de proposer toute action susceptible d'être prise en matière de justice » pour les soumettre ensuite à une commission vérité et réconciliation qui doit être créée sous 90 jours.
Aucune mention n'est faite de la justice internationale, même si hier le porte-parole du gouvernement assurait qu'elle prendrait en charge les crimes les plus graves. Le chef de l'Etat se réservant le droit de grâce.
Des sanctions envisageables
Une place importante est donnée aux chefferies traditionnelles dans le processus de réconciliation. Aucune mention non plus d'un Premier ministre qui serait issu des rangs des groupes armés. C'était l'une de leurs revendications. L'accord stipule seulement que le chef de l'Etat s'engage dès la signature de l'accord à mettre en place un gouvernement « inclusif ». Il prévoit en outre la création d'« unité spéciales » mixtes pour deux ans, composées de membres des forces de défense et de sécurité et « en majorité » de membres de groupes armés adhérant à l'accord qui auront suivi une formation de deux mois.
A noter aussi qu'à la différence des précédents accords qui ont tous échoué, celui-ci renforce le rôle de la Minusca qui pourra « détenir » tous ceux qui le violeraient. Il mentionne également d'« éventuelles sanctions » de la part de l'ONU ou de l'Union africaine.
Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ange-Maxime Kazangui, explique les raisons qui poussent les Centrafricains à croire en ce huitième texte d'accord de paix depuis 2012.
Pourtant, des spécialistes estiment que le gouvernement fait face à un véritable dilemme. Ce qu'il doit offrir à des groupes armés en position de force, la population ne veut pas en entendre parler. L'ancien ambassadeur des Etats-Unis en Centrafrique, aujourd'hui chercheur associé à l'Ifri à Paris, Jeffrey Hawkins, livre son analyse.