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Manifestations en Égypte : Mohamed Ali, l’homme qui tire les ficelles

De nombreux observateurs ont été surpris par la descente dans la rue de centaines d’Égyptiens réclamant la démission du président Abdel Fattah al-Sissi, dans plusieurs villes égyptiennes, vendredi 20 septembre.

Mohamed Ali, lui, s’attendait à ces manifestations, et on peut lui reconnaître le mérite de les avoir déclenchées.

En quelques jours seulement, cet homme d’affaires âgé de 45 ans est bien connu en Égypte comme l’un des détracteurs les plus virulents du chef de l’État qui a réduit au silence tous ses détracteurs.

« Mensonges et calomnies »

Depuis début septembre, M. Ali publie presque tous les jours des vidéos de son exil en Espagne, accusant de corruption le président Abdel Fattah al-Sissi et les chefs militaires.

Ses vidéos ont déclenché sur les réseaux sociaux une multitude de hashtags exprimant la colère des Égyptiens sortis manifester leur colère dans la rue, le weekend dernier.

La popularité de M. Ali a poussé le président égyptien à répondre lui-même aux accusations. Il dénonce « mensonges et calomnies » et reproche aux Égyptiens de regarder les vidéos.

Mohamed Ali a réagi aux dénégations du chef de l’Etat, promettant même de renverser son gouvernement.

Qui est Mohamed Ali ?

Ancien propriétaire d’une entreprise privée, Amlaak, Mohamed Ali a travaillé à des projets appartenant à l’armée égyptienne.

Il est également connu pour avoir brièvement poursuivi une carrière d’acteur – il a réalisé un film peu connu, « The Other Land » – avant de procéder à la liquidation de ses actifs pour ensuite s’installer en Espagne.

Il est rapidement devenu célèbre à la suite de la publication d’une série de vidéos dans lesquelles il prétend détenir des informations de première main sur la mauvaise gestion des fonds gérés par l’armée égyptienne.

Son père, Ali Abdul Khalek, était un champion national d’haltérophilie avant de lancer une entreprise familiale avec ses enfants, dont Mohamed.

« Haute trahison »

Dans une interview accordée à Ahmed Moussa, présentateur d’une télévision pro-gouvernementale, Abdul Khalek semble renier son fils et chercher à réfuter ses allégations. Sa famille doit sa fortune aux forces armées, argue-t-il.

Mohamed Ali, lui, affirme que l’armée lui doit des millions de livres égyptiennes et qu’il a fui le pays par crainte de « représailles » de la part des autorités, en raison de ses accusations contre les forces armées.

Sa connaissance des projets de construction des forces armées, auxquels il a contribué, lui confère une crédibilité auprès du public égyptien, et beaucoup ont vu en lui un lanceur d’alerte.

Il accuse aussi Abdel Fattah al-Sissi d’avoir dilapidé des fonds publics en construisant des châteaux et des villas. Des projets similaires ont été entrepris en faveur des généraux faisant partie de l’entourage du chef de l’État, selon lui.

Mohamed Ali ne cesse d’intensifier sa colère contre le président égyptien, tout en soulignant que tous les officiers de l’armée ne sont pas corrompus.

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Dans ses vidéos les plus récentes, il demande au ministre de la Défense, Mohamed Zaki, de faire arrêter le chef de l’État. Mohamed Ali affirme avait reçu des messages de soutien de l’armée et des officiers de police.

Après la sortie de ses vidéos, un avocat l’a accusé de « haute trahison ». Et il a été critiqué par les médias égyptiens.

Pourquoi les Égyptiens lui prêtent-ils une oreille attentive ?

Les allégations de M. Ali concernant la mauvaise gestion des fonds publics semblent avoir touché la corde sensible chez de nombreux Égyptiens de plus en plus mécontents, en raison des mesures d’austérité en vigueur dans le pays. Des chiffres officiels publiés en juillet révèlent que 32,5 % des Égyptiens vivent maintenant dans la pauvreté, contre 27,8 % en 2015.

Pourtant, malgré les pressions économiques, la perspective de manifestations antigouvernementales restait improbable en raison d’une lassitude généralisée des manifestants et des graves conséquences pouvant découler de toute contestation venant de l’opposition. Mais, à la surprise de nombreuses personnes, des manifestations à petite échelle ont éclaté dans et autour de l’emblématique place Tahrir du Caire et d’autres villes, brisant la barrière de la peur dressée par le régime d’Abdel Fattah al-Sissi.

La rhétorique populiste de Mohamed Ali le distingue à la fois de l’opposition islamiste et des activistes politiques laïc, dont les revendications ont souvent porté sur les droits plutôt que les revenus des citoyens. En outre, M. Ali a cherché à rassurer les Égyptiens en leur disant qu’ils seraient en sécurité s’ils protestaient au milieu des célébrations d’un match de football le même jour, ce qui a peut-être contribué en partie à encourager les manifestations.

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Des centaines de personnes auraient été arrêtées après que des manifestants sont descendus dans la rue. Avant les accusations de M. Ali, la colère s’était déjà accrue dans le pays en raison des réformes économiques qui ont mis à rude épreuve les Égyptiens. Il s’agit notamment de l’introduction en bourse de la livre égyptienne en 2016, qui lui a fait perdre plus de la moitié de sa valeur et a entraîné une hausse spectaculaire des prix des marchandises.

« Nous sommes très pauvres »

Abdel Fattah al-Sissi a toujours défendu avec fermeté les mesures d’austérité, affirmant qu’elles porteraient leurs fruits plus tard. Dans ses discours, il dit que « nous [les Égyptiens] sommes très pauvres ». Il a invité les Égyptiens à contribuer au financement du fonds « Vive l’Égypte », qu’il a mis en place.

Pourtant, bien qu’il ait nié les allégations de corruption de M. Ali, dans sa réponse aux vidéos, le chef de l’État a reconnu la construction de châteaux, promettant de continuer à en construire « pour l’Égypte ».

Sa déclaration selon laquelle des millions ont effectivement été dépensés pour des châteaux et d’autres projets, conjuguée à la vive réaction de M. Ali, a suffi pour mettre en colère une petite minorité et à la faire descendre dans la rue.ns.

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