C’est une décision qui a surpris plus d’un en Algérie.
Le 21 juillet dernier, Tayeb Bouzid, le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a initié une nouvelle mesure au sein des universités.
Les recteurs doivent désormais rédiger les en-têtes de tous les documents officiels et administratifs en arabe et en anglais, plutôt qu’en arabe et en français, comme c’était le cas jusqu’à présent.
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Le ministre, qui a étudié en partie aux États-Unis, souhaite »une meilleure visibilité des activités éducatives et scientifiques dans le secteur de l’enseignement supérieur. »
Cette décision s’appuie sur un récent sondage indiquant que 94% des étudiants sont favorables à l’enseignement de l’anglais.
Pourtant, cette enquête compte un échantillon de seulement 90 418 étudiants sur un total de 1,7 million.
Le 8 juillet dernier, Tayeb Bouzid avait déjà révélé son intention à long terme de » (…) consolider l’utilisation de l’anglais dans la recherche. »
Une faisabilité pointée du doigt par de nombreux critiques.
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Ces sorties s’établissent dans un contexte politique actuel tendu avec des manifestations anti-pouvoir qui ne s’essoufflent pas depuis le 22 février.
Lors des premiers cortèges, il n’était pas rare de voir ou d’entendre scander des slogans anti-français dénonçant de présumés ingérences de l’ancien colonisateur dans la vie politique d’Alger:
»Macron, occupe-toi de tes gilets jaunes, ici c’est l’Algérie. »
Mais le français est-il vraiment en perte de vitesse face à l’émergence de l’anglais?
La langue de Molière est depuis bien longtemps ancrée dans le milieu académique et scientifique.
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Mais en Algérie, malgré la généralisation de l’enseignement de l’arabe dans les années 70-80, le français demeure une langue aussi bien utilisée par les élites politiques, le milieu des affaires que dans le quotidien des Algériens.
Dans les rues des grandes villes algériennes, il est très courant dans les conversations de passer de l’arabe dialectal au français et vice-versa sans que les interlocuteurs soient perturbés, le moins du monde
Et, il ne faut pas oublier, la communauté vivant à l’étranger, dont beaucoup sont basés dans des pays francophones comme la France, abritant la diaspora algérienne la plus importante au monde.
Il faut savoir qu’au-delà d’une histoire commune, l’Algérie et la France entretiennent aussi de solides relations économiques.
Selon Yassine Temlali, chercheur en linguistiques, interviewé par Radio M, la langue, c’est une certaine manière de préserver ses intérêts :
»La Francophonie est un enjeu économique pour la France » analyse-t-il.
Mais pas seulement pour la France, c’est aussi un enjeu pour l’Algérie car l’hexagone est son premier investisseur, hors hydrocarbures, d’après l’universitaire.
»Butin de guerre »
Comme pour ses voisins maghrébins, le Maroc et la Tunisie, la langue française est un héritage historique difficile à ignorer, voire un »butin de guerre » arraché après l’indépendance, pour reprendre les mots de l’écrivain algérien Kateb Yacine.
Ce »butin de guerre », c’est également un héritage toujours présent dans d’anciennes colonies en Afrique.
Le Rwanda, ancienne colonie belge, avait choisi l’anglais comme langue officielle en 1996 et avait remplacé le français par l’anglais comme langue d’enseignement en 2009.
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» Peut-être 90% du commerce, des investissements, des affaires en général sont avec ces pays de la région qui parlent anglais » avait-il expliqué.
Pour autant, il n’avait pas hésité à insister sur la place de la langue française au Rwanda :
»Les gens parlent français et nous faisons partie de la Francophonie…nous n’avons jamais abandonné ça » avait-t-il plaidé.
Il y a aujourd’hui 300 millions de francophones dans le monde, soit près de 10 % de plus qu’en 2014.
Selon une enquête récente, 44 % d’entre eux vivent en Afrique subsaharienne et d’ici 2050, 85 % des francophones pourraient vivre sur le continent.
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