Abdelaziz Bouteflika a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013. Depuis lors, il a de la peine à marcher et à parler. Pour beaucoup d’Algériens, il est difficile de savoir comment le président âgé de 82 ans dirige le pays.
L’annonce de la candidature de M. Bouteflika à un cinquième mandat en avril prochain a jeté le doute dans les esprits. Il n’est pas allé lui-même déposer sa candidature.
Une vague de colère a poussé dans la rue étudiants, enseignants, avocats et même des journalistes, qui semblent déterminés à mettre fin au magistère d’un dirigeant presque invisible.
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De nombreux Algériens craignent que l’échec de la succession du président Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999, ne conduise à l’instabilité du pays, s’il venait à mourir au cours de son mandat.
Son dernier discours public remonte à 2014 – il s’était adressé aux Algériens pour les remercier de lui avoir encore fait confiance, après sa victoire à l’élection présidentielle.
M. Bouteflika avait évoqué des mesures visant à « renforcer la séparation des pouvoirs et le rôle de l’opposition, en plus de garantir les droits et libertés ».
Certains s’attendaient à des réformes et à une transition en douceur du pouvoir, mais rien de cela n’a été fait, les apparitions publiques du président sont devenues rares.
Les Algériens ont peut-être eu la chance de l’apercevoir brièvement à la télévision d’Etat en train de saluer des dignitaires étrangers en visite. Une autre fois, grâce à une vidéo, à l’ouverture d’une nouvelle salle de conférences en 2016. Il se déplaçait dans un fauteuil roulant, l’air fatigué mais alerte.
En 2018, le chef de l’Etat est poussé par son parti à se présenter comme candidat à l’élection d’avril 2019.
Quelques semaines plus tard, il visite le chantier de la grande mosquée d’Alger, un projet de deux milliards de dollars US (1,52 milliard de livres sterling).
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Cette année, le président vainqueur de l’élection présidentielle de 2014 sans avoir fait campagne, n’a pas d’adversaires de taille.
Pourquoi la coalition au pouvoir et l’opposition n’ont-elles pas été en mesure de présenter d’autres candidats compétitifs ?
L’opposition a toujours été divisée. Et à mesure que le président vieillissait et s’affaiblissait, les querelles au sein de l’élite dirigeante, y compris dans l’armée, ont paralysé tout changement politique.
Le Front de libération nationale (FLN), au pouvoir, dirige l’Algérie depuis son indépendance de la France en 1962, après une sanglante guerre qui a duré sept ans.
Le pouvoir, selon de nombreux Algériens, est entre les mains du FLN, de puissants généraux de l’armée et de puissants hommes d’affaires.
Le frère cadet de M. Bouteflika, Saïd, 61 ans, contrôle les entrées à la présidence du pays – ainsi que les audiences avec le chef de l’Etat. Une autre personnalité importante, le général Ahmed Gaid Salah, chef d’état-major de l’armée, concentre d’importants pouvoirs.
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« Le régime a toujours plus ou moins fonctionné en prenant des décisions (…) sans avoir à rendre des comptes (…). C’est encore plus évident aujourd’hui, étant donné que la figure de proue est de toute évidence incapable d’exercer à elle seule le pouvoir », analyse, pour la BBC, James McDougal, un spécialiste de l’Algérie à l’Université Oxford.
Une partie de l’opposition est constituée d’hommes politiques qui ont participé à la gestion du pays, aux côtés de M. Bouteflika, ce qui les a largement discrédités aujourd’hui…
Interrogé par des médias français, concernant les manifestations, l’éminent écrivain algérien Kamel Daoud a dit que les jeunes Algériens sont en train de se faire voler le pouvoir par leurs aînés.
En proposant un candidat « presque mort », « le pouvoir » montre son mépris pour les jeunes du pays, dont plus de 30 % des moins de 30 ans sont au chômage, a-t-il dit.
C’est l’héritage de la récente guerre civile en Algérie qui semble avoir fait stagner les tentatives de réforme.
Cette crise, qui a pris fin en 2002, pèse lourdement sur ceux qui y ont combattu ou l’ont vécue, au point que certains ont semblé être prêts à troquer certaines de leurs libertés contre la stabilité.
La guerre civile a fait environ 150 000 morts. Certains Algériens ont été victimes de « disparitions forcées » imputées aux forces de sécurité.
Des membres de l’opposition auraient collaboré avec les forces de sécurité, dans les années 1990, pendant la guerre civile, contre les insurgés islamistes…
La guerre civile a laissé peu de place à de véritables compromis ou un dialogue national capable de conduire le pays vers le changement.
D’autres pays d’Afrique du Nord ont connu, pendant des décennies, des régimes dominés par un seul homme, lesquels ont eu des racines profondes.
En Libye par exemple, les voisins, les frères, les sœurs et les amis se méfiaient les uns des autres, sous le règne de Mouammar Kadhafi, qui a duré 42 ans. Il a été renversé en 2011, la même année que Zine al-Abidine Ben Ali.
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Dimanche, le président Bouteflika a de nouveau proposé le dialogue – et une réforme constitutionnelle en cas de réélection – comme la voie à suivre. Cette offre a été faite aux Algériens par une lettre lue à la télévision nationale.
Ce qui est nouveau, cette fois-ci, c’est la proposition du chef de l’Etat d’organiser des élections anticipées, auxquelles il ne sera pas candidat.
Bien que cette proposition puisse ouvrir la porte à une transition pacifique du pouvoir, M. Bouteflika devra agir rapidement, compte tenu de son état de santé précaire…
Ecoutez l’analyse d’El Yamine Soum, professeur de relations internationales à la Sorbonne Nouvelle, interrogé par BBC Afrique sur les manifestations populaires en Algérie :