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Burundi : comprendre le phénomène des migrations forcées

Au cours de son histoire, le Burundi a connu des migrations, certaines forcées, d’autres volontaires. Mais si le pays a vu ses fils et filles se tourner vers l’extérieur, il a au fil du temps accueilli des milliers de migrants et/ou exilés sur son territoire. Pour tenter d’y voir clair, un  débat sur la question s’est dernièrement tenu à Rutana.

Par un après-midi nuageux, au chef-lieu de la province Rutana, un débat s’est tenu autour des migrations forcées au Burundi. Une thématique qui a semblé un tout petit peu compliquée pour les participants, ceux-ci ne se précipitant pas à  prendre la parole. C’est finalement Déogratias Kameya qui se jettera à l’eau et tentera de répondre à la première question : y aurait-il eu des migrations forcées au Burundi ?

Pour lui, c’est certain qu’il y a eu des migrations de ce genre au Burundi. Et cela selon différentes époques. Par exemple, avance-t-il, du temps de la monarchie, les migrations forcées ne sont pas ce qu’il y a de rare. Il donne l’exemple de Maconco, sa famille et son clan des Benengwe qui ont été obligés de fuir. 

Parallèlement, renseigne toujours Kameya, des migrations pour des raisons sécuritaires sont à souligner. Ici, on cite celles des années 1965, 1972 et 1993. Il va sans dire qu’il y en a qui ont migré pour des raisons économiques. Les Burundais qui sont partis à Manamba sont une parfaite illustration de ce qui vient d’être dit.

Mais un détail que nous devons toujours à Kameya : dans la plupart des cas, migrer ou fuir est conditionné par la position géographique : « Beaucoup parmi ceux qui ont fui à l’étranger vivaient dans les régions frontalières ».

Cette lecture, Kameya semble la partager avec l’historien et démographe  Evariste Ngayimpenda. Il nous rappelle que du temps de la monarchie, le roi  avait le droit de vie et de mort sur ses sujets. Ainsi, quelqu’un en mauvais terme avec l’autorité du roi était dépouillé de ses biens et exilé. Et du temps de la colonisation, il y avait une loi de relégation, « kwangazwa ». C’est cette dernière qui a permis l’exil de Kilima et de ses enfants. Les princes également pouvaient être chassés avec leurs familles et leurs troupeaux de vaches. 

Par la suite, nous dit toujours Ngayimpenda, les migrations se manifesteront lors des crises cycliques qu’a connues le Burundi. 1972,1988, 1991, 1993, 2015  étant les dates les plus symboliques.

Burundi,  terre d’asile ?

Si le Burundi a  été  le point de départ des migrants forcés ou volontaires, il faut dire qu’il a accueilli sur son sol des étrangers, migrants ou exilés. C’est ce qu’expliquent Jonas Sindamuka et Déogratias Kameya pour qui en 1959, beaucoup de Rwandais se sont réfugiés au Burundi. D’autres sont venus du Congo pour trouver asile au Burundi. A souligner aussi que des arabes, des Sénégalais, des Maliens sont établis au Burundi pour des raisons essentiellement économiques.

De son côté, Ngayimpenda, note la présence des Ougandais qui sont venus au Burundi dans les années 1920 et qui se sont mélangés avec le reste de la population. Une précision tout de même de notre historien et démographe : « Tous les étrangers présents au Burundi ne sont pas des réfugiés. Il  y en a qui sont  venus pour les affaires ».

Quid de la gestion de ces migrations par les pouvoir publics burundais?

Cette gestion a évolué au fil du temps. En 1959, nous  dit Dorian Nshimirimana, les réfugiés rwandais ont été bien accueillis au Burundi. Ils ont été installés dans des villages pour eux. Ils ont eu des domaines à cultiver, des écoles pour leurs enfants, etc. Pour  Ngayimpenda, ceci a une explication : « les Burundais étaient peu nombreux à l’époque. Il est normal donc que ces Rwandais aient été bien accueillis. Mais, s’ils revenaient aujourd’hui, ce ne serait pas la même chose ». 

Toutefois pour Kameya et Evariste Ntahiraja, il y a un petit hic : l’Etat n’a pas bien géré la question des biens laissés par ces réfugiés quand ils sont retournés dans leur pays. Qui plus est, nous explique Ngayimpenda, les gouvernements cherchent toujours à avoir un œil sur leurs ressortissants réfugiés, souvent pour contrecarrer ou anticiper des éventuelles attaques depuis les camps des réfugiés.

Si non en ce qui concerne les décisions prises par le Burundi par rapport aux   réfugiés, il y a eu en 1974 une loi pour remettre les biens des personnes réfugiés à leur propriétaire. Une loi lacunaire cependant, de l’avis de cet universitaire, car se focalisant uniquement sur les maisons et non les propriétés foncières. Et ce ne sera pas sans effets. En 1977 un décret présidentiel décidera la même chose, et  une commission sera mise en place. Ce sera aussi sans effets.

En 1975, la création de la CEPGL avait comme but principal les questions sécuritaires. Et la question des réfugiés était à chaque fois traitée, les pays de cette communauté s’engageant à faire en sorte que ces réfugiés ne deviennent pas des sources d’insécurité. Pour preuve, Gahutu Remy, fondateur du Palipehutu sera obligé de déménager en Tanzanie. D’autres Burundais seront obligés de revenir au Burundi. Nous sommes au début des années 80.

Après les événements de Ntega Marangara, il y aura une ferme volonté de rapatrier les réfugiés. En 1989, ils sont rentrés, avec un accompagnement. Une amnistie générale va même être décrétée pour ceux qui étaient accusés de crime. Mais là aussi, les leaders ne rentreront pas. 

Et Ngayimpenda de conclure que la mauvaise gestion de ces phénomène de migrations forcées aura des conséquences qui vont affecter le Burundi. L’occasion pour lui d’appeler les pouvoirs publics à éviter tout ce qui peut conduire aux migrations de ce genre.

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