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Covid-19 : Bujumbura, entre masques, « cache-menton » et indifférence

Afin de limiter la propagation du coronavirus, le Ministère de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique a rendu obligatoire le port de masque pour tous les transporteurs à partir de ce mercredi 13 janvier 2021 et pour les passagers à partir de ce jeudi 14 janvier 2021. J’ai passé la journée d’hier à observer autour de moi. Voici ce que j’ai vu.

Il est 7h. Je suis prêt pour sortir. Mon premier regard croise un piéton sous son masque. Je m’immobilise un peu pour faire un tour des yeux autour de moi. Cinq taxis vélos passent devant moi. Trois parmi eux ne portent pas de masque. Dans un tuk-tuk rempli d’écoliers masqués en bleu blanc, le chauffeur a aussi pris ses précautions. Dans un bus scolaire, masqués et non masqués sont à parts égales.

Je suis à l’avenue de l’imprimerie, puis je traverse Nyakabiga vers Jabe. Plusieurs taxis vélos portent ce qui s’apparente plus à des « cache mentons ». Les passagers sur vélos s’en foutent presque carrément. De plus en plus de cache mentons. Un masque artisanal aussi me passe à côté. Un amoureux des marques ne s’est pas privé le plaisir de mettre du FILA. La diversité des couleurs sur les visages est au rendez-vous : du bleu, du jaune, du blanc,  du « blanc sale », du kitenge, etc.

Tout semble normal dans la rue. A pied, moi-même je porte un masque et les gens ne me regardent pas du genre « espèce d’orgueilleux » comme c’était le cas les jours passés. Louis*, un taxi vélo quittant le parking sans masque avec l’un de ses premiers clients se moque de son camarade qui porte un masque : « We ryoherwa n’iyo stire yawe » (Réjouis-toi de ton style seulement)

Dans les bus, quelques récalcitrants

Avant de prendre mon bus à l’Eglise Pentecôte de Ntahangwa, j’anticipe : ce sera 30 places, 30 masques. Mon œil ! Je laisse passer exprès le premier bus. Malgré la vitesse, je parviens à voir au moins 3 passagers sans masque. Un deuxième bus passe, je repère une fille sans masque. Vient ensuite un bus memento. J’y vois un qui n’en porte pas, une connaissance alors ! Un Hiace propose de m’amener. Là aussi, un « sans masque ».

Finalement, je me décide et j’en prends un. Surprise : même le convoyeur ne porte pas de masque. Curieux, je regarde devant et derrière moi. Je fais le compte : 6 personnes ne portent pas de masques. Ajoutés au convoyeur, ça fait 7. Au cours de la route, aucun policier pour faire le contrôle des masques. La distanciation sociale-avec « batanu ku ntebe » (cinq par banc)-n’en parlons pas.

Bal masqué au centre-ville

Oups le bus va vite. Je suis déjà arrivé à destination. Mais ma curiosité ne me permet pas de descendre. Jusqu’au centre-ville, personne ne semble vouloir parler à personne bizarrement. Au rond point qui donne sur la chaussée Prince Louis Rwagasore, un mec traverse la route masques à la main tel un vendeur ambulant d’arachides.

Au parking des bus du Nord, je croise deux mendiants masqués. Sur les lieux se trouvent une dame et un monsieur qui vendent des masques de diverses couleurs, réutilisables et à usage unique. Je demande le prix : 1500 Fbu. Apparemment, pas question de monter à bord des bus sans masque. J’entends un convoyeur ou un chauffeur lancer : « Nikucunga mbele ya mulango » (il faut veiller devant la porte). 

Je me déplace vers les bus du Sud. Dans l’allée passant devant Plaza, on se croirait à l’épicentre de la Covid. Tellement de visages masqués et tellement de mains remplies de masques. Dans cette allée aussi je pose la question, le prix du masque reste inchangé. « Kanyosha abakaravye ino imbere » (Kanyosha, pour ceux qui ont les mains lavées, c’est par ici), lance un convoyeur son masque sous le menton. Deux robinets automatiques sont là avec « Ndakira, Sinandura kandi sinanduza» écrit dessus. Au Sud, le lavage des mains y semble plus rigoureux. 

Un boom pour le marché du tissu

« Erega n’amategeko ntibabivuze ? » (Mais c’est la loi, tu n’as pas entendu ?)  lance Gaspard*, un vendeur de masques au centre-ville essayant sûrement de convaincre un client. Aucun vendeur vu de mes propres yeux n’a sur soi de désinfectant. Ils vendent ça comme s’ils vendaient des chapeaux, des mouchoirs. Ils les touchent partout. Les visages des vendeurs sont égayés. Un nouveau commerce est né.

Liévin*, la trentaine, assis à la Place de l’indépendance se donne aux statistiques en voyant le nombre de gens qui portent le masque : « On l’avait vraiment négligé mais cette fois-ci, 70% portent le masque. »

Acceptez que j’achève mon récit par cette anecdote de Siméon, un collègue : « Hier j’ai porté le masque, et j’ai senti que toute ma respiration allait s’arrêter. J’ai alors dit : est-ce moi qui vais me suicider ? ».

 

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