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SOCIETE

Rester quand tout nous pousse à partir

Quand la majorité de gens trouve que l’herbe est plus verte ailleurs, il y en a d’autres qui pensent le contraire, décident de rester et braver les remontrances des leurs et de la société. Et ils assument. Témoignages.

J’ai rencontré Yves au cours d’une formation pour le boulot qui a duré deux jours. Orphelin des deux parents, cadet d’une fratrie de quatre, trois garçons et une fille. Il a appris à se débrouiller très tôt. Son frère ainé a trouvé une vie dans le pays de l’oncle Sam, son autre frère vit dans le vieux continent où sa sœur a trouvé l’amour. Il est le seul à être resté au pays. Un choix qu’il assume au dépend d’une relation avec les siens qui bat de l’aile depuis quelques années. 

Il est l’incompris de la famille, confie-t-il : « Mon frère s’est entêté à dire que si je reste au Burundi, je ne réussirai jamais, mais nous avons une définition différente de ce qu’est la réussite : une famille, une maison, une voiture et les petites emmerdes du quotidien qui nous rappellent de profiter des meilleurs moments que la vie a à nous offrir. C’est basique comme réflexion je vous l’accorde. Il manque sans doute de l’ambition, mais c’est comme ça », avoue-t-il lorsque j’essaie de percer le mystère derrière ce grand gaillard à la voix trop calme pour sa taille. Un choix que seule sa sœur a semblé comprendre et soutenir. 

Réussir, une raison qui ne suffit pas

Hervé habite avec un cousin dans un quartier nord de la capitale. Il habitait avec sa famille dans l’un des quartiers contestataires avec sa famille qui vit maintenant en Ouganda. Il a survécu à la vague, a terminé ses études universitaires, a refusé de rejoindre les siens. Contre toute attente, il semble s’en sortir avec son business de restauration rapide : « Je ne suis pas prêt à laisser mes réalisations et démarrer une nouvelle vie. Au début, mes parents ne comprenaient pas ce qui me retenait dans cette capitale étrangère à ses habitants, gouvernée par une élite qui lui est étrangère et qui n’offre pas vraiment la lune à ses jeunes. Mon petit business infirme petit à petit leurs vérités ». Son affaire marche bien, il rêve grand maintenant. 

Quant à Ruth, la trentaine en vue, passionnée par la mode, coiffeuse dans ses heures perdues, ses ires viennent de son entourage, en particulier de son amoureux qui vit au Canada. Ils ne comprennent pas ses réticences à aller rejoindre son amour, vendre et performer son talent loin de ce Burundi qui peine à reconnaitre sa passion comme un art à part entière. « La réussite est relative, tout comme le bonheur. Je ne me vois pas m’épanouir dans une société qui me jugera probablement sur ma couleur de peau avant mes capacités. Ils appellent cela le confort, moi j’appelle cela un choix. Je ne gagne pas beaucoup mais j’y trouve mon compte. Je consolerai ma famille en envoyant mes enfants s’ils le veulent. »

Une question de choix 

Pour moi, les raisons qui peuvent pousser quelqu’un à partir sont multiples, autant qu’elles sont personnelles. Chacun a ses raisons qu’autrui ne comprendra probablement jamais, car difficile de se mettre à sa place. Actuellement, nous avons les moyens de faire ce que l’on veut, pas toujours d’où on le veut, malheureusement. C’est la vie, c’est comme ça. Parfois, nous sommes mal à l’aise avec nos lieux de naissance, d’origine et d’apprentissage et on se  surprend à se chercher ailleurs pour prouver à soi-même et à la société que l’on a réussi. Mais rester, c’est choisir de faire fi au politiquement correct, refuser la possibilité de réussir (ou d’échouer) tout en affrontant ce choix. Pour moi, la réussite, c’est avoir les moyens de faire ce que l’on aime et s’y sentir bien. Le lieu ne définit plus la réussite, mais son choix si. Alors à ceux qui pensent avoir trouvé leurs chemins dans leurs nids, je ne peux que les féliciter et les envier. Puissiez-vous inspirer le reste du monde.

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