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La crise de 1972 au Burundi : le poids du contexte

La crise qui s’abat sur le Burundi fin avril 1972 n’est pas le fruit du hasard. Il s’inscrit dans un contexte d’instabilité qui marque le Burundi post-Rwagasore. Retour sur certaines crises qui, à ce qu’il paraît, ont fini par accoucher du “fléau” de 1972. 

Les faits politiques ne se produisent pas d’eux-mêmes. Ils sont le résultat soit d’une socialisation soit de plusieurs facteurs, dit-on. La crise de 1972 ne fait pas exception. Elle s’inscrit comme annoncé tantôt dans un contexte d’instabilité. Et cette instabilité, elle ne date pas moins de l’époque qui suit la mort de Rwagasore. 

En effet, comme on en parlait ici, la succession du fils de Rwagasore sera des plus compliquée. Son assassinat déclenchera une course effrénée vers le contrôle du pouvoir. Une course qui ne sera pas sans dégénérer en conflits politiques aux lourdes conséquences. On se rappelle ici du conflit Muhirwa-Mirerekano qui finira par verser dans l’ethnisme, Muhirwa vu du côté des tutsi et Mirerekano des hutu. L’on se rappellera aussi des groupes Casablanca et Monrovia, ici aussi non sans un brin d’ethnisme.

La tendance de « Monrovia », dite modérée et pro-occidentale, rassemblant le plus de Bahutu ; les Batutsi se retrouvant sous l’étiquette progressiste de « Casablanca ».

L’instabilité, ce sont aussi les événements qui se passent au Rwanda qui ne seront pas sans marquer la nation jumelle qui vient tout juste d’accéder à l’indépendance. En effet, l’exil de milliers de tutsi Rwandais au Burundi contribuera à radicaliser le sentiment d’appartenance ethnique. De même que le gouvernement en place à Kigali à l’époque qui ne sera pas sans influencer une partie des élites burundaises tenté d’importer le modèle rwandais au Burundi.

La période verra aussi les premiers assassinats connotés politiques, comme ceux des syndicalistes de Kamenge et d’un aumônier de l’armée nationale, Mgr Gabriel Gihimbare.

1965 ou le début du commencement des violences de masse à  caractère ethnique

Plus symptomatique, c’est l’année 1965. Considérée comme le point de départ des violences de grande ampleur, l’année verra l’assassinat du Premier ministre Pierre Ngendandumwe. 

1965, c’est aussi les législatives de mai qui se déroulent dans un climat de tensions ethniques. Si la majorité des élus sont hutu, le roi choisira un ganwa, s’attirant ainsi  les critiques de l’ethnie vainqueur.

De quoi provoquer la radicalisation de certains leaders hutus qui, avec l’aide de quelques officiers de l’armée et de la gendarmerie, organisent un coup d’État le 19 octobre 1965. Une tentative avortée à la suite de laquelle des condamnations suivies d’exécutions ont lieu au stade Prince Louis Rwagasore. La suite, ce sont des paysans tutsis à Busangana, à Muramvya au centre du pays, qui sont massacrés par leurs voisins hutus.

La première république, de mal en pis

C’est donc dans ces conditions d’instabilité grandissante que Micombero proclame la république. Avec de bonnes intentions affichées. Mais rien n’y fait. Le Burundi continue de sombrer, avec des crises en répétitions. Ici, deux dates sont à  souligner car symboliques  de  la  descente aux enfers du Burundi: 1969 avec sa tentative de coup d’état contre Micombero qui vire en emprisonnements et exécutions de plusieurs personnalités hutu soupçonnées d’être derrière le coup. 1971 avec un procès contre un  groupe dit de  Muramvya, accusé aussi de fomenter un coup d’État. 

1972 arrive donc dans ce contexte d’instabilité politique et de violences politiques sans précédent. Sans précédent car l’ampleur de la crise est si grande, plus que d’autres crises politiques qui avaient déjà secoué le Burundi. On y reviendra.

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