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La difficile succession de Rwagasore : l’affaire Casablanca et Monrovia

On vous parlait récemment du caractère éphémère des gouvernements du Burundi indépendant et monarchique. Si certaines raisons pour expliquer cette instabilité ont été évoquées, il faut aussi dire que la succession désastreuse du héros de l’indépendance n’y est pas étrangère. Le point. 

On le disait tantôt. La succession du fils de Mwambutsa n’a pas été une douce sinécure. Au contraire, son assassinat a déclenché une course effrénée vers le contrôle du pouvoir. Une course qui ne sera pas sans dégénérer en conflits politiques aux lourdes conséquences. Preuve de ce conflit, les divergences qui opposèrent le camp Muhirwa-Bamina à celui de Siryuyumusi-Mirerekano, divisant par là le Parlement en ailes Casablanca et Monrovia dans un premier temps avant de basculer dans une dimension ethnique dans un second temps.

En effet, pour venir à bout de ces rivalités, le roi tentera un arbitrage. Sans succès,  car,  deux ans après, en septembre 1964, les divisions en deux tendances irréductibles éclatèrent au grand jour. De façon significative, et c’est ce qu’écrit Aude Laroque, elles se qualifièrent par des références étrangères, à savoir les capitales des deux grands courants qui divisaient alors le panafricanisme : la tendance de « Monrovia », dite  modérée et pro-occidentale, rassemblant le plus de Bahutu ; les Batutsi se retrouvèrent essentiellement sous l’étiquette progressiste de « Casablanca ».

Acteur et figure marquante de cette scission au sein de l’Uprona, Paul Mirerekano est aux côtés de Rwagasore quand ce dernier lance le parti Uprona. Un temps parti et resté au Congo, il rentre avec une volonté de prendre la direction du parti, à la suite d’une promesse que Rwagasore lui aurait faite. Une promesse toutefois jusqu’ici non corroborée.  Mais pour  le professeur Evariste Ngayimpenda, que Rwagasore aurait eu l’idée de confier la direction du parti a Mirerekano n’a rien d’impossible. Ceci, d’autant plus qu’il  l’avait énormément servi et jouissait de l’estime de tous les militants, de la base au sommet. Il n’y a cependant pas de preuves formelles de cette promesse. Et d’ajouter qu’il n’est  certes pas exclu qu’André Muhirwa, de sa propre initiative et ambitions personnelles, aurait cherché à éloigner Mirerekano. 

Cap exil

Cette rivalité entre les deux hommes, Muhirwa et Mirerekano fait vite de virer à l’extrême. Dès la fin 1961, c’est un Mirerekano qui reprochera au gouvernement Muhirwa, successeur de Rwagasore, de ne pas appliquer le programme politique de ce dernier.

Le 25 août 1962, il convoque un meeting au stade prince Louis Rwagasore. Il évoque la nécessité des élections, accusant Muhirwa de conduire le pays à la détérioration politique. Pour avoir organisé ce meeting, Mirerekano est arrêté avant d’être libéré par une cinquantaine de gendarmes qui l’escortent jusqu’à son habitation. Nous sommes le 25 août 1962. 

Au final, dans un congrès tenu à Muramvya pour élire le patron de l’Uprona, c’est Joseph Bamina, de la même ethnie que Mirerekano qui est élu à l’issue d’une élection dans laquelle les délégués de Ruyigi et Rutana favorables à Mirerekano ne participent pas. Après cette défaite, rien ne sera comme avant pour ce fils de Muramvya. Il n’assistera plus aux réunions du comité central issu de ces élections. Arrêté le 26  février sur ordre du parquet général avant d’être relâché le 1er mars faute de preuves, il finit par se réfugier d’abord à Uvira, puis au Rwanda en juin 1964.

De quoi dire à Ngayimpenda que ce virage marque une rupture définitive au sein du parti Uprona. Une rupture qui affectera l’assemblée, de même que les équipes gouvernementales qui allaient suivre comme on l’évoquait ici.

 

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