La disponibilité, la simplicité, l’impartialité, etc., sont certains des traits d’un bon leader, selon la jeunesse de la commune Gitaramuka en province Karusi.
Un splendide marais sépare les communes Buhiga et Gitaramuka. La vallée porte le nom de Nyabiho. Une pancarte aux lettres difficilement lisibles est dressée du côté Buhiga indiquant la colline en face, « GITARAMUKA ».
La voiture me dépose en cours de route car je veux m’entretenir avec deux jeunes filles que je vois sur le chemin. Visiblement pressées, une houe sur l’épaule, un bidon à la main, Anitha et son amie viennent de labourer la terre pour la saison culturale A.
Chemin faisant, notre conversation porte sur leur scolarité. « J’ai abandonné l’année passée. J’étais en 7ème année », raconte la jeune fille. La raison de cet abandon scolaire est unique : le manque du travail pour les diplômés. Comme elle, Aniella, sa camarade, s’indigne du chômage dans lequel croupissent beaucoup de diplômés. « On ne peut même pas être enrôlé dans la Commission Électorale Communale Indépendante (CECI). Les autorités y mettent les leurs. Le niveau d’études ne compte plus. » Les deux jeunes femmes avouent avoir préféré quitter l’école en avance « pour ne pas perdre leur temps ».
Un leader devrait éviter toute inclination
Arrivés au bureau communal, je voudrais savoir leur appréciation quant à la qualité des leaders administratifs. Se regardant en face, et puis sans détour, elles disent être indignées de l’administration féminine. « Certaines sont rongées par le complexe d’infériorité. Elles méprisent les hommes, les déshonorent en public », explique Aniella. Pour rappel, Gitaramuka est dirigée par une femme. Les jeunes adolescentes peignent les qualités d’un bon leader, selon elles : « Un leader local devrait se rendre simple et accessible. Et ainsi, éviterait-il tout parti pris dans les litiges ».
Dans les parages, un tribunal de grande instance trône. Une dizaine de gens se tiennent devant la porte. Ils attendent d’être reçus. Jonas, 28 ans, est parmi eux. Fatigué de rester débout, il prend place sur un banc installé là. Je prends place près de lui. Et le dialogue est amorcé. Étant en conflit avec son frère de sang au sujet d’une parcelle achetée de « ses propres sous », il apporte une lettre renvoyée de la cour d’appel, pour demander son dossier.
Jonas met en cause le leadership des administratifs collinaires. « Lors de l’achat de la parcelle, ils étaient là, ils ont signé. Aujourd’hui, ils ne veulent pas dire la vérité. » Très ému, il se plaint que 2020 tarde à sonner pour les limoger. « Je ne suis pas le seul à les accuser de corruption. ». Pour Jonas, certains leaders actuels ne sont ni intègres, ni attentifs aux doléances des citoyens.
Les « nommés » se soucient peu du peuple
Enfin, on arrive au marché de la commune. Aux alentours, des restes de maisons détruites sont encore visibles. La crise de 1993 a secoué la ville. Jadis, un centre de négoce réputé pour son mouvement des personnes et des biens, aujourd’hui, Gitaramuka est à pleurer, selon des commerçants du coin. « On m’a volé un sac remplis de liasses parce qu’il y a quelque temps, il n’y avait pas encore de banques », se souvient amèrement Masabo, un tenant d’une boutique.
Pour Bizoza, son voisin, ils ne travaillent que pour le gagne-pain quotidien. Ils se disent accablés de taxes. Cet homme dans sa quarantaine, indique avoir occupé un poste de chef collinaire dans le temps. Aimé de la population locale, il dévoile trois secrets pour mieux gouverner : « Refuser des propositions d’argent cash pour un service à rendre, rester disponible à l’écoute de la population, et enfin, éviter le népotisme ». Selon lui, les « nommés » par ordonnance/décret, des fois, se méconduisent, sous prétexte de n’avoir pas été élus par le peuple.