Alors que deux premiers cas de coronavirus viennent d’être déclarés sur le sol burundais, la question est de savoir quelle réponse apporter ici chez nous à cette maladie devenue une pandémie mondiale. Dans leur analyse sur les « Leçons tirées de la réponse italienne au coronavirus », trois chercheurs de l’Université d’Harvard font ressortir des éléments qui pourraient nous intéresser…
Sans être alarmiste ni tomber dans le piège de comparer l’Italie au Burundi, il sied de rappeler qu’ « en quelques semaines (du 21 février au 22 mars), l’Italie est passée de la découverte du premier cas officiel de Covid-19 à un décret gouvernemental qui interdisait essentiellement tout mouvement de personnes sur l’ensemble du territoire, et la fermeture de toutes les activités commerciales non-essentielles. Au cours de cette très courte période, le pays a été frappé par rien de moins qu’un tsunami d’une force sans précédent, ponctué par un flot incessant de morts », comme on peut le lire dans l’analyse de Gary P. Pisano, Raffaella Sadun et Michele Zanini.
Ces chercheurs parlent d’échec et les explications de cet échec « concernent les difficultés à prendre des décisions en temps réel, lorsqu’une crise se déroule – et les moyens de les surmonter ». En effet, « à ses débuts, la crise de Covid-19 en Italie ne ressemblait en rien à une crise. Les déclarations initiales sur l’état d’urgence ont été accueillies avec scepticisme par le public et par de nombreux membres des milieux politiques – même si plusieurs scientifiques avaient mis en garde contre la possibilité d’une catastrophe pendant des semaines ». Ce qui semble bien être similaire au Burundi alors que « le moment le plus efficace pour prendre des mesures énergiques est extrêmement précoce, lorsque la menace semble faible – ou même avant qu’il y ait des cas », écrivent les chercheurs. Mais alors que faire concrètement ?
Éviter les solutions partielles
Partant de l’exemple des mesures de restrictions qui concernaient d’abord certaines régions de l’Italie avant d’être étendues à tout le pays, les chercheurs écrivent que la mesure était en fait « incompatible avec la propagation exponentielle et rapide du virus » et qu’elle a peut-être facilité par inadvertance la propagation du virus. En effet, « lorsque le décret annonçant la fermeture du nord de l’Italie a été rendu public, il a provoqué un exode massif vers le sud de l’Italie, ce qui a sans aucun doute propagé le virus dans des régions où il n’était pas présent ».
Et d’affirmer qu’ « une réponse efficace au virus doit être orchestrée comme un système cohérent de mesures prises simultanément ! ». C’est d’ailleurs le cas de la Chine et de la Corée du Sud dont « la caractéristique véritable de leurs réponses efficaces est la multitude d’actions qui ont été prises en même temps ».
Plus de tests et de communication
L’autre point important est de faire plus de tests approfondis mais, écrivent les chercheurs, « le dépistage est efficace lorsqu’il est associé à une recherche rigoureuse des contacts, et la recherche est efficace tant qu’elle est associée à un système de communication efficace qui collecte et diffuse des informations sur les mouvements des personnes potentiellement infectées ».
C’est ce qu’a fait la région de Vénétie en Italie avec des tests approfondis sur les cas symptomatiques et asymptomatiques dès le début et un traçage proactif des cas potentiellement positifs. « Si une personne est testée positive, tous les habitants du domicile de ce patient ainsi que leurs voisins sont testés. Si des kits de dépistage n’étaient pas disponibles, ils étaient mis en quarantaine. L’accent est mis sur le diagnostic et les soins à domicile. Dans la mesure du possible, les échantillons étaient prélevés directement au domicile du patient, puis traités dans les laboratoires universitaires régionaux et locaux ».
À contrario, « la Lombardie a plutôt opté pour une approche plus conservatrice des tests. Par habitant, elle a réalisé presque la moitié des tests effectués en Vénétie et s’est concentrée beaucoup plus sur les cas symptomatiques – et a jusqu’à la publication de l’analyse, le 27 mars, réalisé des investissements limités dans la recherche proactive, les soins et la surveillance à domicile, et la protection des travailleurs de la santé ».
Et les résultats sont différents : au 26 mars, 35 000 nouveaux cas de coronavirus en Lombardie et 5 000 décès sur une population de 10 millions d’habitants alors qu’en Vénétie, en revanche, il y avait 7 000 cas et 287 décès sur une population de 5 millions d’habitants.
Une approche différente de prise de décision
Même s’il existe encore une grande incertitude quant à ce qu’il faut faire exactement pour arrêter le virus, deux aspects de cette crise semblent ressortir clairement de l’expérience italienne, concluent les chercheurs : « Premièrement, il n’y a pas de temps à perdre, étant donné la progression exponentielle du virus ». Comme l’a dit le chef de la Protection Civile italienne « le virus est plus rapide que notre bureaucratie« .
« Deuxièmement, une approche efficace de Covid-19 nécessitera une mobilisation de type guerrier – tant en ce qui concerne l’entité des ressources humaines et économiques qui devront être déployées que la coordination extrême qui sera nécessaire entre les différentes parties du système de soins de santé, entre les différentes entités du secteur public et privé, et la société dans son ensemble ».