S’il est présenté comme un accord ayant marqué la fin des hostilités entre les Allemands et le pouvoir du roi Mwezi, le traité de Kiganda n’est pas moins perçu comme un diktat imposé aux Burundais. Un diktat qui ne sera pas sans affecter la royauté ou l’intégrité territoriale.
Ça vaut la peine d’en reparler pour comprendre le contexte dans lequel Mwezi accepte de signer l’inégal traité de Kiganda. Comme vous le savez déjà, quand les Allemands envahissent le Burundi, ils ne sont pas accueillis chaleureusement. Une résistance sera engagée et des guerres opposant les deux belligérants auront lieu. Jusqu’à une période décisive où sous le commandement de Von Bering assisté de quatre colonnes composées d’environ 400 hommes dont plusieurs askaris et auxiliaires d’origines variées poursuivent Mwezi pendant plus d’un mois. Comme nous l’apprend l’historien Emile Mworoha, épaulés par les rebelles Maconco et Kilima, la force allemande accule le roi qui s’enfuit à Burunga, son domaine rituel du sud, après avoir échappé à un attentat organisé par Maconco à Fota.
La victoire définitive, raconte toujours Mworoha, aura lieu le 24 mai 1903 sur la colline de Gahondo grâce à l’assaut mené par le sous-officier allemand Federowski. Il faut dire aussi que selon le rapport de Bering du 24 juillet 1903, la partie burundaise perdra deux cent hommes parmi les Badasigana, tandis que les forces allemandes enregistreront huit morts et sept blessés.
C’est après cette défaite que Mwezi aurait accepté de négocier et de reconnaître le 3 juin 1903 un traité par l’entremise de ses conseillers et des missionnaires de Mugera.
Vous avez dit traité ?
Contrairement à d’autres traités où toutes les parties sortent gagnant, celui de Kiganda semble déroger à la règle. Tout semble imposé. Une sorte de justice du vainqueur. Justement, parce que vaincu, c’est un Mwezi vieillissant qui n’aura pas la capacité et les moyens de s’imposer.
Résultat, en acceptant de signer le traité, Mwezi reconnaît la station militaire d’Usumbura. Il accepte de payer 424 têtes de bétail comme amende pour les « excès commis depuis 1899 ». Il s’engage à ne plus menacer la mission de Mugera. En outre, il promet de faire tracer la route Usumbura-Muyaga tout comme il accorde la libre circulation des caravanes dans tout le pays. Il consent aussi à reconnaître l’attribution de Bukeye à Kilima et de Muramvya à Maconco.
En échange, Usumbura, c’est-à-dire le pouvoir colonial, reconnaîtt Mwezi Gisabo comme roi de l’Urundi et lui promet tout appui tant qu’il demeurerait dans l’obéissance.
Mais plus grave…
Comme on le voit, il y a une grande entorse à la souveraineté de Mwezi : il s’agit de cette clause qui accorde les domaines royaux de Bukeye et de Muramvya (deux principales capitales de la royauté) à ses ennemis rebelles. Cette atteinte à l’autorité royale apparaît comme un coup de poignard porté à la personne du roi. C’était aussi une atteinte à l’intégrité territoriale.
D’ailleurs, le roi et la population n’ont jamais pardonné à Kilima et Maconco d’avoir acculé le pouvoir à signer le traité qui consacrait la perte de l’indépendance du Burundi. En témoigne le niveau d’impopularité leur voué par les Burundais même actuellement, plus d’un siècle après.