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#Turashoboye : la Burundaise, l’invisible du quatrième pouvoir

Bien qu’elles constituent plus de 50 % de la population burundaise, elles sont moins nombreuses à tendre le micro, à prendre une caméra, à donner leurs voix dans la rédaction pour des sujets à traiter. Et même quand elles le font, leurs voix et leurs efforts ne sont pas considérés au même titre que leurs pairs masculins. Le point.

« Pendant mes 10 ans de carrière journalistique, j’ai dû me battre pour arriver là où je suis maintenant », confie Viviane (pseudo), une femme journaliste. À ses débuts dans le métier, il y a eu des tueries massives à Bujumbura dit rural. « Quand je me suis proposée pour aller faire ce reportage, tous les yeux ont convergé vers moi, surpris. Pour eux, j’étais la petite fille à protéger, qui ne devait pas aller voir des cadavres, sous les coups de feu. Plutôt, je devais rester là, pour traiter des sujets dont personne d’autre ne voulait, anodins, comme par exemple des canaux d’irrigation bouchés. Mais moi je voulais plus ».

La jeune femme se rappelle de plus d’une fois ou elle a dû se battre pour couvrir un sujet sérieux. « Je me souviens pendant les élections en 2010, quand je suis allée dans la synergie des médias, ça n’a pas été facile. Beaucoup de femmes qui étaient là faisaient des présentations, des réalisations. C’était comme si les descentes sur terrain étaient réservées aux hommes. Je me suis proposée pour aller sur terrain en vain. Ils ont même dû téléphoner ceux qui n’étaient pas dans la réunion de rédaction, m’ignorant toujours. Et j’ai dû m’emporter ! « Comment ils osaient même prendre des absents alors que j’étais là, et que je me suis portée volontaire ? » Ils ont fini par accepter que j’y aille, mais à contre cœur. Et ce jour-là, j’ai travaillé d’arrache-pied pour montrer que je suis une journaliste reporter comme tous les autres ».

Des statistiques pas toujours en faveur

Dans un rapport de l’AFJO (Association des femmes journalistes) de mai 2019, les femmes et les filles représentent 31% des journalistes enregistrés au CNC pour obtenir une carte de presse. Dans ce même rapport, les femmes représentent 36% des chefs de services des dix radios, 20% des directeurs des agences de communications. Sur 8 agences de communications, seulement deux sont dirigées par des femmes. Elles représentent également 23 % des directeurs des journaux et magazines. Le reste, 77 % donc, ce sont des hommes.

Des chiffres qui suscitent des questionnements, qui poussent à chercher les causes, les conséquences, mais également à trouver des solutions. Les facteurs qui expliquent  ce fossé dans la parité homme-femme dans les médias sont légion. Citons ici les barrières culturelles, la surcharge familiale, leur absence dans la prise de décision…

Quand la place et l’image vont de pair

Sous représentées dans le métier des médias, l’image des femmes qui est aussi véhiculée est souvent stéréotypée. Elles sont souvent présentées comme des victimes, vulnérables, sans défense. Dans le rapport du CNC du 3è trimestre 2018-2019, quand la Radio Nderagakura a diffusé des reportages sur le genre, aucun temps de parole n’a été donné aux femmes. Ce qui montre que la voix des femmes et des filles n’est pas prise en compte. Aussi, les femmes qui interviennent dans les médias ont moins de temps de parole que les hommes.

En outre, les femmes font rarement partie des preneurs de décision, des chefs de rédaction, et les retombées sont celles-ci :  « Les thématiques traitées par les femmes des médias sont généralement en rapport avec le social. Les gens en déduisent qu’elles ne sont pas assez travailleuses, qu’elles préfèrent des sujets faciles. Elles donnent l’impression qu’elles ont un niveau de formation qui est faible et qu’elles n’ont pas de culture générale, sous informées dans les différents domaines », peut -on lire dans le rapport de l’AFJO.

« Nous voyons rarement une femme qui traite des sujets politiques, du sport ou de grandes enquêtes journalistes », a souligné la présidente de l’AFJO, Agathonique Bararukuza. Entourées d’hommes qui sont des faiseurs d’opinion, des fois misogynes, il est difficile pour une femme de percer dans le métier de journalisme, quitte à devenir une journaliste de renommée.

 

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