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#Turashoboye : quid de l’évolution économique de la femme burundaise ?

La parité entre hommes et femmes est inscrite dans plusieurs lois du Burundi, pourtant certaines inégalités au niveau économique perdurent et appauvrissent la femme burundaise. Coup de projecteur.

La relation entre la femme et l’économie nourrit un curieux paradoxe. En 2014, d’après une étude, le taux brut d’activité économique de la femme burundaise était à 59,6%, contre 58,9% pour les hommes. 

Pour la femme également, le taux d’activité était moins élevé en milieu urbain à 35,6% (contre 50,08% pour les hommes), mais beaucoup plus élevé en milieu rural à 62,0% (contre 59,9% pour les hommes).

Interprétation

Avec une économie burundaise qui dépend de l’agriculture à 98%, ces chiffres témoignent qu’en milieu rural, les femmes sont plus confinées à l’agriculture par rapport à l’homme. Paradoxalement, malgré ce travail acharné dans les champs, c’est l’homme qui en savoure les fruits. D’après l’ISTEEBU, l’indice de revenu des femmes est de 0,381 contre 0,419 pour les hommes. Et c’est quoi pour vous ? Une injustice.

En milieu urbain, ces chiffres traduisent que la femme burundaise continue d’être perçue comme une salariée de second rang, trop souvent limitée à des tâches inférieures et peu qualifiées. Tenez, de 2014 à 2018, 5600 femmes contre 10829 hommes ont été recrutées dans la fonction publique comme sous-statuts, et 37 femmes contre 115 hommes comme sous-contrats. Les femmes ont ainsi plus de risques  par rapport aux hommes d’occuper un emploi vulnérable, et de sombrer dans une grande précarité en cas de difficultés économiques. Pour le témoigner, selon le rapport de dépendance économique au Burundi, les femmes dépendent des hommes à 180,6% en milieu urbain, et à 61,2% en milieu rural.

L’accès au crédit, un autre défi

Un des défis majeurs pour la femme burundaise est l’accès au crédit. Cela, à cause du faible taux d’inclusion financière. En 2012, selon l’enquête nationale sur l’inclusion financière, seulement 7.9% de femmes possédaient un compte bancaire, contre 17.6% pour les hommes. Compréhensible dans un pays où 50% des femmes avouent ne connaître aucune institution bancaire et 21% aucune microfinance. Cette disparité a joué sur les demandes de crédits, avec 1.8% pour les femmes contre 4.2% pour les hommes. Six ans après, en 2018, même cadence. Seulement 12,07% des femmes avaient un compte bancaire contre 32,63% des hommes. Ce qui explique pourquoi les femmes étaient moins nombreuses que les hommes à accéder au crédit avec 3,06% de femmes contre 8,47% d’hommes.

Selon les professeurs Prisca Niyuhire et Rédempteur Ntawiratsa, l’emprunt étant  conditionné par la possession d’un compte bancaire, par des garanties et par un  apport personnel important, la majorité des femmes s’en voient d’office écartées. Elles se tournent donc vers des modes informels de prêt qui les fragilisent, les exposent à des risques d’exploitation, ce qui perpétue le cycle de la pauvreté et la dépendance économique.

L’espoir à l’horizon

Malgré ces défis, la femme burundaise commence à rompre timidement l’archétype d’une gestion exclusivement masculine. L’Association des Femmes Entrepreneurs du Burundi  par exemple est une structure créée en 1992 par un groupe de vingt femmes, et qui compte aujourd’hui jusqu’à 300 membres réparties dans l’agrobusiness, hôtellerie et tourisme, commerce général, art et artisanat, industrie, banque et assurance, mines, technologie de l’information et de la communication, bâtiments et transports. Au niveau des chantiers de construction, 2% des travailleurs sont des femmes. Dans le commerce transfrontalier, 80% sont des femmes. Certaines brisent même les tabous en devenant pêcheurs, marquant une rupture avec un passé avilissant en termes d’évolution des mœurs au Burundi.

C’est une évidence, maintenir les femmes dans une situation d’infériorité et de dépendance est désastreux pour elles-mêmes, mais aussi pour la société tout entière. Leur autonomisation économique représentera un progrès pour toute la population burundaise. Néanmoins, plutôt que d’attendre de décrocher un poste, c’est aux Burundaises de sortir, de créer leur emploi, de s’affirmer sur le marché et de conquérir le monde parce qu’on ne viendra pas chez elles pour leur proposer des opportunités, mais c’est plutôt à elles de les chercher.

 

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