Comme pour se cacher du regard des curieux, la commune de Giteranyi est nichée dans la corne nord-est du Burundi, adossée contre la Tanzanie et le Rwanda. Contrée rurale, cette commune semble malheureusement avoir raté le coche du développement.
Profitant de mon passage à Muyinga, une randonnée entre amis m’amène au bord du lac Rweru. Après une bifurcation de la RN6, à une quinzaine de kilomètres de Kobero, une minuscule pancarte nous souhaite la bienvenue dans la commune Giteranyi. Des bananiers forment une haie d’honneur au-dessus de la route en terre battue.
Dès l’entrée, les minuscules cordes servant de barrières nous sautent rapidement aux yeux. « C’est une stratégie pour lutter contre la fraude et préserver la sécurité dans cette commune frontalière au Rwanda et à la Tanzanie », m’explique un jeune homme, qu’on a embarqué à l’une des barrières. Il s’appelle Sosthène. De gauche à droite, les grandes étendues de champs verdâtres témoignent de ce qui fait vivre Giteranyi : l’agriculture.
Champion de la fécondité
À l’est de la commune, le paysage tanzanien se confond parfois à celui du Burundi. « Des relations privilégiées se sont tissées au fil du temps avec ce pays voisin », indique Sosthène avant de nous montrer dans la zone Kobogo, le chemin qu’a emprunté le président de la République, lors de son retour au Burundi, après le coup d’État raté du 13 mai 2015.
Arrivé à Mugano, un petit centre très animé, l’hôpital de district de Giteranyi se dresse devant nos yeux. On y fait une petite escale et nous profitons pour y faire un tour. Un jeune médecin nous tient compagnie. Arrivé au service de maternité, le médecin s’arrête et tourne son visage vers nous. « À Giteranyi, c’est rare de trouver un homme avec une seule femme, et si Muyinga bat le record de la fécondité au Burundi avec 6,6 enfants par femme, Giteranyi y est pour quelque chose », nous explique le médecin, d’un air triste. Pour cela, il aimerait avoir un dirigeant qui fera tout pour maîtriser l’accroissement de la population.
L’eau et l’électricité, une urgence
À la tombée de la nuit, Giteranyi rentre dans une obscurité totale. Pas d’électricité dans toute la commune, hormis quelques ménages qui s’éclairent grâce à l’énergie solaire. Pierre, pêcheur au lac Rweru la nuit et taxi-moto le jour, déplore la fatigue qu’il doit supporter quand sa moto a un problème qui exige une soudure : « Je dois me rendre à Kobero, car si je n’y vais pas, une soudure qui me prendrait 3 000 fbu à Kobero, me coûtera entre 10 et 15 mille ici, sur groupe électrogène ». Pour Pierre, l’urgence pour un dirigeant est d’apporter l’électricité à Giteranyi. « Comment espérer le développement d’une commune sans électricité ? », nous prend-il à témoin, avant de nous amener au lac.
Le matin, alors que se brosser les dents est tout ce qu’il y a de normale à faire, trouver de l’eau propre à Giteranyi relève d’un parcours du combattant. La zone Masaka par exemple ne compte qu’une seule fontaine pour 35 000 personnes. « C’est vraiment intenable, nous sommes dépassés, oubliés », se lamente Aline, une enseignante du coin, avant de nous expliquer que pour avoir un petit bidon d’eau, on doit débourser entre 300 fbu et 500 fbu. Ce qui justifie le recours de la population de Masaka aux eaux du Lac Rweru. Selon elle, la question de l’eau potable est cruciale, car la vie de la population en dépend.
Un exemple à revivre
Sur le chemin retour, on donne un lift à Félicien, un jeune de 26 ans. Ayant terminé le lycée communal, il se remémore le temps où la commune avait loué une maison à Bujumbura pour abriter gratuitement les jeunes de la commune qui voulait faire l’université. « Elle était la seule commune du Burundi à faire une chose pareille », affirme Sosthène, qui regrette la quasi-absence des jeunes dans les institutions.
« Prenons l’exemple du conseil communal de Giteranyi, on y verra aucun jeune », fait-il remarquer. Et de se poser une question : « S’ils ne sont pas représentés, qui soumettra les doléances des jeunes ? Qui plaidera pour eux ? ». À la question de savoir s’il se représentera en 2020, sans répondre, il nous fait signe qu’il est arrivé à destination. Après un au revoir, on continue tranquillement notre route.
La commune de Giteranyi est l’une des sept communes de la province Muyinga. Elle est délimitée au Nord par le Rwanda, au Sud par la commune de Butihinda, à l’Est par la Tanzanie et à l’Ouest par la commune Bwambarangwe de la province de Kirundo. Elle couvre une surface de 398 km², divisée en 35 collines. Selon le dernier recensement, la population de Giteranyi est estimée à 151 230 habitants, avec une densité de 380,1 habitants/km². Elle vit principalement de l’agriculture, de l’élevage et du commerce transfrontalier.